Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/71

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Prichadhra. Ce patriarche, ô fils de Bharata, faisait un sacrifice pour obtenir un enfant, sous l’influence céleste de Mitra et de Varouna[1]. Ses neuf fils n’étaient pas encore nés. Pendant ce sacrifice, et sous l’influence que je viens de désigner, Vêvaswata présenta son offrande, qui réjouit les dieux, les Gandharvas, les humains et les saints Mounis. C’est alors que naquit, suivant la tradition, Ilâ, jeune vierge dont le corps, la robe, les ornements sont tout divins. « Viens (ila)[2] lui dit le puissant Manou, suis-moi, ô vierge brillante. » Ilâ, sachant ce que le devoir exigeait d’elle, répondit au patriarche heureux d’avoir obtenu une fille : « Tes paroles me charment ; mais je suis née sous l’influence de Mitra et de Varouna : je vais paraître en leur présence, car je ne suis point dégagée des liens qui m’attachent à eux. » Ainsi parla la belle vierge, et se présentant devant Mitra et Varouna, elle leur dit avec respect : « Je suis née sous votre influence, ô dieux. Que m’ordonnez-vous ? Vêvaswata m’a déjà dit : Viens, suis-moi. » Mitra et Varouna répondirent à la pieuse Ilâ, qui venait avec dévotion se soumettre à son devoir : « Sache que nous sommes charmés, aimable vierge, de ton zèle, de ton attachement religieux, de ta vertu. Par nous tu obtiendras une heureuse célébrité. Ô femme, un jour tu deviendras un homme fameux dans les trois mondes sous le nom de Soudyoumna, et tu contribueras à étendre la race de Manou. »

À ces mots, elle les quitta, et retourna auprès de son père. Cependant par ses ordres elle épousa Boudha[3], fils de Soma, dont elle eut Pouroûra-

  1. Mitra et Varouna sont deux Âdityas ou deux des douze formes du soleil, qui représentent les mois de l’année. Comme l’ordre des Adityas n’est pas bien fixé, il n’est pas possible de dire à quel mois chacun d’eux correspond : il en est deux cependant qui ont de plus les fonctions de régents des points de l’est et de l’ouest ; ce sont Indra et Varouna ; ce qui conduirait à supposer qu’ils présidaient aux mois où arrivaient les équinoxes. Ou je me trompe, ou ce passage que nous traduisons peut être important : car un sacrifice fait dans la région du génie de l’ouest et de son collègue Mitra मित्रावरुणयोरंशे (Mitrâvarounayoransé), me semble indiquer le pays où se serait trouvé alors ce Manou, pays à l’occident de l’Inde, et dans lequel on honorait Mitra. Qu’on se rappelle la signification ordinaire du mot sacrifice ; ce n’est pas seulement un acte de religion, c’est l’ensemble de la conduite d’un homme dirigé par l’amour de ses devoirs. C’est donc du côté de l’occident que sacrifie ce Manou, fils du soleil : c’est aussi des régents de cette contrée qu’Ilâ sa fille se reconnaît dépendante. Faible preuve sans doute de l’origine persane ou bactrienne de ce Manou ; mais toutefois elle peut venir à l’appui des conjectures déjà hasardées sur ce point.
  2. Le poëte rend compte de l’étymologie du mot Ilâ, qui ressemble singulièrement au nom de la mère de Romulus, Ilia. Au lieu d’Ilâ, on dit aussi Ida et même Irâ.
  3. Boudha est le régent de la planète de Mer-