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CENT-VINGT-DEUXIÈME LECTURE

roux croît et s’augmente, comme la flamme dont on alimente l’ardeur. Brûlée des feux de l’envie qui la dévore, elle perd tout l’éclat dont jadis elle resplendissait, et se retirant dans un cabinet[1]solitaire où elle va nourrir son ressentiment de ses tristes pensées, elle ressemble à l’étoile qui entre dans le nuage orageux. Sur son front pâle comme la lune glacée elle attache un bandeau de soie[2], symbole de la colère qu’elle se plaît à nourrir dans son cœur, et de la poudre onctueuse du sandal rouge elle teint le bord de ses tempes. La pensée de l’affront qu’elle croit avoir reçu excite de plus en plus son indignation ; elle secoue la tête, elle croise les mains, elle jette ses parures sur sa couche formée de longs coussins ; elle s’adresse avec humeur aux suivantes dont elle est entourée ; elle effeuille un lotus ; elle soupire, soupire encore, et sous ses ongles fait froncer ses sourcils.

CENT-VINGT-TROISIÈME LECTURE.
DÉSESPOIR DE SATYABHAMA.

Vêsampâyana dit :

Késava, connaissant le résultat de l’entrevue de Nârada avec Roukminî, sortit aussitôt pour tâcher de réparer le mal par son adresse incomparable et son ingénieuse tendresse. Il se rendit au palais de Satyabhâmâ, élevé par Viswacarman sur un beau coteau du Rêvata. Sachant quelle était l’orgueilleuse susceptibilité de la fille de Satrâdjit, il entra doucement ; pareil à un amant craintif, il avait l’air de redouter son courroux, et ne s’avançait qu’avec précaution. Il dit à Dârouca[3] de l’attendre à la porte, et après avoir

  1. Ce cabinet s’appelle क्रोधागार crodhâgâra, ou क्रोधगृह crodhagriha (maison de colère). Nous avons en français un mot, boudoir, qui présente le même sens dans son étymologie, mais qui pour l’usage s’est éloigné de son origine.
  2. दुूकूलपट्ट doucoûlapatta
  3. Nom de l’écuyer de Crichna.