Page:Langlois - Le couronnement de Louis.djvu/153

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cxlvi
introduction

rait ensuite départi ? Ou bien cette différence provient-elle de ce que nous avons affaire à plusieurs poèmes originairement distincts et fondus plus tard en un seul ? Les deux explications sont également plausibles. Seulement, en admettant la dernière, il faudrait voir dans le fait une différence entre les poèmes, non d’âge, mais de dialecte, car celui (la lutte de Guillaume contre Corsolt) qui admet la distinction des deux sons en et an, plus ancienne que leur confusion, est aussi le même qui connaît la nasalisation de l’ó, à coup sûr plus moderne que la non-nasalisation. Si, dans un troisième système, on voulait attribuer cette différence à des remanieurs, qui, ayant commencé à réformer l’assonance, n’auraient pas mené jusqu’au bout ce travail de correction, on soulèverait deux objections. La première, c’est que cette différence se retrouve dans toutes les familles de manuscrits et que, par conséquent, elle remonte bien haut. La seconde, c’est que, pour l’assonance en an, on ne comprend guère que les deux sons ayant été confondus par le trouvère, des remanieurs plus modernes les aient distingués ; il faudrait admettre que ces remanieurs étaient d’une contrée où la distinction a survécu, c’est-à-dire de la région picarde, mais le poème ne renferme aucun caractère précis qui l’assigne à cette région[1].

  1. Dans un article des Mémoires de la Société de linguistique de Paris (t. i), M. Paul Meyer émet l’opinion qu’au xiiie siècle les poètes distinguaient dans les assonances les deux terminaisons an et en pour flatter l’œil, et non pour plaire à l’oreille, qui ne percevait plus de différence entre les deux sons. Mais cette théorie