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[Lect. I.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

fice, alors que le Soleil s’occupe à garnir les plaines célestes de vaches (merveilleuses)[1], toi, cependant, tu brilles d’un éclat serein pour les travaux de l’homme qui pousse son char, ou qui conduit ses troupeaux, ou qui voyage avec célérité.

8. Habitant des vastes régions de l’air, arrête ici tes chevaux ; combats l’ennemi qui convoite nos richesses, animé par cette boisson agréable, légère, fortifiante, que nos mortiers expriment pour ton bonheur.

9. C’est toi, ô (Indra) digne de tant d’hommages, qui as lancé contre le nuage le trait de fer que t’avait du ciel apporté Ribhou, quand, en faveur de Coutsa[2], tu frappais Souchna de coups innombrables.

10. (Ô dieu) armé de la foudre, quand le soleil, au départ de la nuit, perçait le nuage qui le pressait, et cherchait à se débarrasser des chaînes dont Souchna avait tout couvert les airs,

11. Alors, en te voyant à l’œuvre, ô Indra, le ciel et la terre, vastes, forts, inébranlables, se livraient à la joie. De ta foudre puissante tu terrassais Vritra, qui se cachait au sein des ondes et se nourrissait de la substance des nuages.

12. Ô Indra, toi qui es l’ami des hommes, dirige vers nous ces coursiers vigoureux et rapides comme le vent, que tu conserves pour atteler à ton char. (Prends) ta foudre, que le fils de Gavi, Ousanas[3], t’a donnée ; arme qui fait notre joie, et qu’il a aiguisée pour être fatale à Vritra et te donner la victoire.

13. Ô Indra, arrête ici un instant tes brillants coursiers, de même que le fameux Étasa retint le char du soleil[4]. Rejetant les impies (Asouras) au delà des quatre-vingt-dix fleuves[5], détruis leurs œuvres.

14. Ô Indra, (dieu) foudroyant, sauve-nous de la triste pauvreté, de la défaite dans la bataille ! Nous demandons l’abondance, la gloire, l’honneur des sacrifices ; donne-nous de l’opulence, des chars, des chevaux.

15. Que ta protection ne nous abandonne pas, (dieu) de la puissance et de la richesse ! accorde-nous l’abondance ! Ô Maghavan, multiplie nos vaches ! Pères de famille dévoués à ta grandeur, puissions-nous jouir d’un bonheur constant !




SECTION DEUXIÈME.


LECTURE PREMIÈRE.
HYMNE I.
Aux Viswas, par Cakchîvan.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. Humbles et respectueux, présentez vos libations, vos mets, votre sacrifice au (dieu) terrible[6] qui amène la pluie. Que, du haut des airs, (vienne) Marout, qui donne la vie[7] ; je le chante avec ses guerriers, (qu’il lance) sur la terre et le ciel comme (les flèches) d’un carquois.

2. Telles que les deux épouses (d’un même maître), l’Aurore et la Nuit, se multipliant (pour nous, viennent) augmenter les biens de celui qui les invoque dès le matin. Ainsi qu’une jeune fille développant son voile, (l’Aurore) se dore à nos yeux des splendeurs du soleil.

3. Que (le dieu) qui marche autour (du monde)[8], et revêt des formes diverses[9], nous soit propice ! Qu’il nous soit aussi propice, le Vent qui donne les eaux fécondes ! Ô Indra, ô Parvata[10], empressez-vous pour nous ! Que tous les dieux nous comblent de biens !

4. Allons ! en l’honneur de la blanche (Aurore), moi, fils d’Ousidj[11], je présente ces liqueurs et ces mets. Rendez-vous propice le fils des eaux[12] ;

  1. Le soleil pompe l’eau pour en former les nuages.
  2. Voy. p. 62, c. 2, note 2 ; p. 106, c. 1, n. 3. Les Ribhous ont fabriqué l’arme d’Indra. Voy. p. 51, c. 1, note 1.
  3. Voy. p. 73, c. 2, note 2 ; p. 91, c. 1, note 4. Il est étonnant qu’Ousanas, précepteur des Asouras, favorise Indra contre ses élèves. Il y a sans doute là une allusion, que j’ignore, à quelque phénomène astronomique ou météorologique.
  4. Voy. p. 76, col. 1, note 7.
  5. Ce nombre est ordinairement de 99. Voy. page 61, col. 1, note 4.
  6. Traduction du mot Roudra, épithète qui désigne Marout, le dieu du vent.
  7. Ce vers est difficile à comprendre. Je ne pense pas que le mot Asoura désigne un ennemi des dieux : c’est un être qui donne, qui apporte la vie, épithète de Marout.
  8. Traduction de Paridjman, épithète d’Agni.
  9. Agni se manifeste sous différentes formes, et en particulier sous celle du Trétâgni : de là le sens du mot Vasarhâs.
  10. Parvata est dérivé du verbe parva, qui signifie remplir, ou de parvan, nœud, comme qui dirait rempli de nœuds. Cette dernière explication rappelle la forme du nuage, dont les différentes parties paraissent comme nouées ensemble. Parvata est donc ici le nuage personnifié et invoqué avec Indra. Cependant on attribue aussi cette épithète au vent qui gonfle et remplit le nuage.
  11. Cakchîvân. Page 50, col. 1, note 2 ; page 114, col. 1, note 2. Le poëte doit être un de ses descendants.
  12. Agni, comme né des libations.