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[Lect. III.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

2. Yama[1] l’a remis à Trita[2], et celui-ci lui a donné un char. Sur ce char, Indra a monté le premier. Gandharva[3] a pris les rênes qu’il emprunte au Soleil. Les Vasous ont orné le cheval.

3. Ô cheval, tu es Yama, tu es Aditya, tu es Trita, par suite d’un mystérieux accord. À des moments marqués tu te trouves arrosé de soma : car on te reconnaît dans le ciel trois stations.

4. Oui, on te reconnaît trois stations dans le ciel, comme aussi tu en as trois dans les ondes (célestes), et trois dans l’océan de l’air[4]. Mais j’aime surtout, ô cheval, à te voir, ainsi que Varouna, revenir dans le lieu où tu nais[5].

5. Ô cheval, ce sont là tes relais ; c’est là que sont les impressions de tes pieds, ô bienfaiteur (du monde) ! C’est là que j’ai vu tes rênes[6] fortunées, que vénèrent les gardiens du feu sacré.

6. Je t’ai reconnu de loin : c’était bien toi-même volant vers nous du haut du ciel. J’ai vu une tête (divine) s’avancer rapidement par des routes faciles où la poussière est inconnue.

7. J’ai vu ici ta forme merveilleuse ; elle paraissait animée du désir de recueillir nos offrandes dans cette enceinte sanctifiée. Quand un mortel prépare pour toi les mets (du sacrifice), tu viens, (comme le coursier) affamé à l’herbe (qu’on lui présente).

8. Ô coursier (divin), après toi (arrivent) les mortels, et leurs chars, et leurs vaches, et le bonheur (que donnent) les jeunes filles. Tous les êtres recherchent ta faveur ; les dieux voudraient égaler ta force.

9. Sa crinière est d’or ; ses pieds, rapides comme la pensée. Indra (lui-même) est descendu, et les dieux sont réunis pour consommer l’holocauste de celui qui le premier a monté ce cheval[7].

10. Des coursiers[8] héroïques, divins, aux membres élancés, au ventre ramassé, tels que des cygnes qui volent en troupe, s’élancent à travers les routes de l’air.

11. Ô coursier, ton corps marche, mais ta pensée est rapide comme le vent. Les poils de ta crinière[9] s’étendent partout, et se jouent dans les branches de la forêt.

12. Le cheval est arrivé au lieu du sacrifice, l’air pensif, et l’âme soumise aux dieux. Devant lui est mené le bouc enchaîné à ses destins. Arrivent aussi les sages et les chantres.

13. Le cheval occupe la place principale, en face du père et de la mère (du sacrifice). Comblé d’honneurs, qu’il aille vers les dieux. Que son serviteur reçoive les biens les plus précieux.


HYMNE VII.

Aux Viswadévas, par Dîrghatamas.

(Mètres : Djagatî, Pankti et Anouchtoubh.)

1. Le (dieu) ici présent, notre fortuné patron, notre sacrificateur, a un frère[10] qui s’étend au milieu (de l’air). Il existe un troisième frère[11] que nous arrosons de nos libations de beurre. C’est lui que j’ai vu maître des hommes, et armé de sept rayons.

2. Sept[12] rênes servent à diriger un char qui

  1. Yama est le dieu de la mort ; la victime a été remise par lui au feu du sacrifice.
  2. Ce feu du sacrifice, c’est Trita, autrement Agni. C’est lui qui, comme on sait, attelle le char des dieux ; expression que nous n’avons plus besoin d’expliquer.
  3. Le commentaire suppose que Gandharva, c’est le soma. Le soma est représenté par les poëtes comme brillant, et reflétant quelquefois les rayons du soleil, et, en termes poétiques, rênes et rayons sont synonymes. Gandharva signifie aussi cheval. C’est un nom du soleil ou d’Agni.
  4. Ce ne sont pas neuf stations différentes, ce sont trois mêmes stations vues à travers un milieu différent, que forment trois états du ciel : le ciel brillant, le ciel nuageux, le ciel nébuleux. Ce sont des couches diverses de l’air, que les Indiens appellent mondes, où le soleil semble se tenir, suivant l’apparence du temps. Le commentaire invente, à ce sujet, des triades singulières, telles que le nuage, l’éclair et le tonnerre, ou bien la nourriture, la plante, la semence : j’ai pensé que tout cela n’avait aucun rapport avec la phrase présente, qui exprimait, d’une manière plus complexe, une idée que nous connaissons depuis longtemps, les trois positions du soleil au levant, à midi, au couchant.
  5. Varouna est le soleil considéré comme retournant, caché pendant la nuit, à son poste du matin.
  6. C’est-à-dire tes rayons.
  7. Je pense que monter le cheval ou préparer le char d’un dieu, ce sont deux expressions qui ont le même sens. Cependant on a dit tout à l’heure qu’Indra avait le premier monté sur le char du cheval céleste ; cette phrase pourrait donc signifier : les dieux se sont réunis pour l’holocauste offert à celui qui, etc.
  8. Que sont ces coursiers ? les jours peut-être, ou les rayons.
  9. Ce sont les rayons du soleil.
  10. Ce frère d’Agni est le feu céleste, le feu de la foudre, Vêdyouta, qui siége surtout dans les nuages et dans l’air : c’est pour cela que le commentaire semble le confondre avec Vâyou. Nous respirons aussi ce feu, c’est pour nous le souffle de vie.
  11. Ces trois frères me semblent être le feu du sacrifice, le feu céleste et le feu solaire.
  12. Le nombre sept s’applique à plusieurs espèces de choses : sept rayons, sept flammes, et par conséquent sept chevaux du soleil, sept mondes inférieurs, sept mondes supérieurs, sept mères, ondes ou genres de soma, sept mers ou lacs, sept genres de mètres, sept prêtres officiant dans un sacrifice.