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[Lect. III.]
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RIG-VÉDA. — SECTION DEUXIÈME.

cueillent avec joie ; pour le bonheur des Dévas, qu’il devienne leur ami[1] !

8. Quand on attache d’une courroie et ton pied et ta tête, ou quand on te met dans la bouche de l’herbe à manger, ô coursier, que tout cela soit d’un favorable augure parmi les Dévas !

9. Quand la mouche s’attache à tes chairs, ou quand le bois, la hache, les bras du victimaire et ses ongles sont humectés, ô coursier, que tout cela soit d’un favorable augure parmi les Dévas !

10. Quand l’oûvadhya, qui est l’odeur de la viande crue, sort du ventre de la (victime), que les ministres du sacrifice achèvent leur œuvre, qu’ils fassent cuire les chairs, et accomplissent le vritapâca[2] !

11. Ô victime, quand de ton ventre cuit au feu d’Agni, la broche vient à sortir, que rien ne tombe à terre, ni sur le gazon. Que tout soit donné aux Dévas qui l’attendent.

12. Si ceux qui voient le cheval cuit, disent : « Il sent bon, coupez-en un morceau ! » accueillez la demande de quiconque voudra de cette chair.

13. Cependant on a apporté les vases destinés à recevoir les chairs ou les sauces qui les arrosent, les marmites, les chaudrons, les plats, les instruments de cuisine, et on les place autour du cheval.

14. La manière dont tu marches, dont tu te couches, dont ton pied est attaché, ton port, la façon dont tu bois, dont tu manges, ô coursier, que tout cela soit d’un favorable augure parmi les Dévas !

15. Que le feu ne vienne pas, en frémissant, t’apporter une odeur de fumée ; que le vase (qui te reçoit) ne sente rien. Les Dévas agréent l’offrande du cheval quand elle est pure, parfaite, et accompagnée d’invocations.

16. Quand on étend sur le cheval une couverture toute d’or, quand on lui attache et la tête et le pied, ce sont là autant de choses qui doivent être de bon augure parmi les Dévas.

17. Quand dans ton écurie, tu hennis fortement, et qu’on te frappe avec le pied ou avec le fouet, ô coursier, je détruis toutes ces choses avec la prière, comme dans les sacrifices on épuise les libations avec la cuiller.

18. La hache tranche les trente-quatre côtes du rapide cheval, ami des Dévas. Laissez entières les autres parties, ô victimaire, que chaque membre soit convenablement paré !

19. Un seul homme doit frapper le brillant[3] cheval, deux autres doivent le retenir : telle est la règle. Les membres[4] que, suivant l’usage, je dois offrir en sacrifice, je les mets sur le plat des Pindas[5], et je les jette au foyer d’Agni.

20. (Ô coursier), quand tu vas (vers les dieux), ne te chagrine pas de ton sort. Que la hache ne s’appesantisse pas longtemps sur ton corps. Qu’un barbare et indigne victimaire n’aille pas, par ignorance, taillader tes membres avec le fer.

21. Ce n’est pas ainsi que tu dois mourir : la souffrance n’est pas faite pour toi. C’est par des voies heureuses que tu vas vers les dieux. Pour te porter, tu as les deux coursiers (d’Indra), les deux biches (des Marouts), et le char léger (des Aswins) traîné par un âne.

22. Que le cheval (sacrifié) nous procure de nombreuses vaches, de bons coursiers, des guerriers, des enfants, une abondante opulence. Toi qui es pur et sain, rends-nous (purs et sains) ; que le cheval, honoré par l’holocauste, nous donne la puissance.


HYMNE VI.

Au cheval du sacrifice[6], par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. À peine es-tu né, que tu fais entendre ta voix en sortant de la mer[7] (des libations), ou plutôt de la corruption (corporelle). Tes bras[8], (dieu) brillant, ressemblent aux ailes de l’épervier. Ô cheval, ta naissance est grande, et digne de nos louanges.

  1. Littéralement, un bon parent, soubandhou.
  2. Le Vritapâca est le moment du sacrifice où la chair de la victime est bouillie.
  3. On l’appelle Twachtri.
  4. Ce sont le cœur, la langue, la poitrine.
  5. Boulettes de riz et de beurre.
  6. Le cheval du sacrifice devient un cheval céleste ; il est le soleil lui-même appelé déjà aswa, cheval, à cause de sa rapidité. Cet hymne est donc proprement un hymne au soleil.
  7. Le texte porte simplement samoudra, mer. Le sens de ce mot n’est pas celui qu’en français nous pouvons lui donner, quand nous disons que le soleil sort de la mer. Cette mer dont parle l’auteur, c’est ou cet amas de vapeurs célestes d’où se dégage le soleil, ou plutôt ces libations du sacrifice qui donnent naissance à l’astre divin, suivant la doctrine des poëtes de cette époque. Selon cette idée, le cheval, qui va devenir le soleil, sort du foyer d’Agni, où son corps a été jeté comme offrande ; il sort aussi de ce corps terrestre et corruptible.
  8. C’est-à-dire, tes rayons.