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[Lect. III.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.


42. Par elle coulent les ondes (célestes) ; par elle vivent les quatre régions du ciel ; par elle s’ouvrent d’intarissables sources ; par elle tout ce monde existe.

43. Mais je viens d’apercevoir une épaisse fumée, sortant de la partie inférieure du foyer. On a répandu sur le feu le brillant soma. C’étaient là les premiers devoirs à remplir.

44. Nos yeux distinguent trois (feux) à la belle chevelure. L’un, dans l’astre qui roule au ciel, échauffe (la terre) ; l’autre préside aux sacrifices. Du troisième nous ne voyons que la voie, et non la forme[1].

45. Les enfants de prêtres[2], qui sont instruits, connaissent les quatre sujets qu’embrasse la parole (sainte). Les hommes ne distinguent pas trois (de ces sujets mystérieux) mêlés à ce monde ténébreux[3]. Ils donnent au quatrième le nom de tourîya[4].

46. L’esprit divin qui circule au ciel, on l’appelle Indra, Mitra, Varouna, Agni. Les sages donnent à l’être unique plus d’un nom : c’est Agni, Yama, Mâtariswan.

47. Mais les chevaux ailés[5] l’emportent sur le char noir (de la nuit) et les vapeurs qui couvrent le ciel. Ils sortent de la demeure d’Agni, et la terre est aussitôt arrosée d’un beurre (abondant).

48. Qui dira ce que c’est que les douze rayons, la roue unique, les trois moyeux ? Sur cette espèce de char sont élevés à la fois trois cent soixante écuyers[6] qui sont en quelque sorte immobiles dans leur mobilité.

49. Ô Saraswatî, tu viens de nous ouvrir ton sein fortuné qui renferme tant de choses précieuses, qui contient tant de biens, de trésors, et de présents magnifiques,

50. Que les Dévas (mortels) ajoutent sacrifices sur sacrifices : tels sont leurs premiers devoirs. Par ces œuvres généreuses ils obtiennent le ciel, où sont les anciens Dévas, les Sâdhyas[7].

51. L’onde (céleste) descend égale à l’onde (de nos libations). Si les nuages réjouissent la terre, c’est que les feux (d’Agni) ont réjoui le ciel.

52. J’appelle à notre secours le divin et grand habitant de l’air, celui qui produit et les eaux et les plantes, l’illustre maître des ondes, qui dispense la pluie au moment convenable.


HYMNE VIII.

Aux Marouts, par Agastya.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Quel éclat ces Marouts qui parcourent, qui habitent ensemble (les espaces de l’air), répandent par tout (le monde) ! Que veulent-ils ? d’où viennent-ils, généreux et riches, chercher les offrandes ?

2. Quel est celui qui, par ses hommages, plaît à ces (divinités) ? qui, par son sacrifice, attire les Marouts ? Par quelle prière parviendrons-nous à retenir ces (dieux), qui, comme des éperviers, parcourent les airs ?

3. (Les Marouts parlent.) « Indra, maître des hommes pieux, d’où viens-tu, grand et unique ? Que veux-tu ? Toi qui es notre compagnon, tu peux nous répondre avec bonté. Ô dieu, traîné par des coursiers azurés, dis-nous ce que tu nous veux. »

4. (Indra parle.) « Les cérémonies, les prières, les hymnes, les libations, les offrandes, tout est à moi. Je porte la foudre. Des invocations, des chants se sont fait entendre. Mes chevaux m’amènent. Voilà ce que je veux ici. »

5. (Les Marouts parlent.) « Et nous, sur les puissants coursiers que voici, plaçant nos corps

  1. Ce sont les trois feux dont nous avons parlé au commencement de cet hymne : le feu solaire, le feu du sacrifice, et le feu céleste, qui est aussi le feu vital.
  2. Le mot brâhmana se trouve ici pour la première fois. Il signifie fils de brahman ou de prêtre. Je ne pense pas qu’alors il fût usité comme distinction de caste.
  3. Le mot gouhâ, employé ici, me représente cette grande voûte formée par le ciel, et qui, sans les trois Agnis, ressemblerait à une caverne ténébreuse.
  4. C’est-à-dire, quatrième. Ainsi s’appelle l’âme suprême non mêlée à la matière : le paramâtmâ ou adhyâtmâ, distingué du bhoûtâtmâ qui est appelé aussi djîvâtma et déhâtmâ, noms de l’âme universelle unie aux éléments matériels.
  5. C’est-à-dire, les rayons.
  6. Ce mot traduit sankou, que le commentateur explique par oupatchara. Je remarque que ce même mot signifie l’aiguille du gnomon.
  7. Les Sâdhyas sont, comme le dit le mot, des hommes devenus parfaits, et formant, après leur mort, une classe de demi-dieux célestes.