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PRÉFACE.

différentes de race, de mœurs, de langage, s’ébranlèrent tout à coup et en même temps, comme si l’on avait pu leur donner un mot d’ordre, et marchèrent, des quatre coins du monde, se heurtant et s’entre-choquant entre elles, à la destruction de la ville fatale. La lutte fut longue entre les deux mondes, elle dura plusieurs siècles, et les villes incendiées, les campagnes ravagées, les hommes égorgés ou réduits en esclavage, les œuvres de la pensée dispersées ou détruites, presque toutes les traditions, presque tous les souvenirs d’une grande civilisation noyés dans le sang ou anéantis dans l’ignorance, tels furent les résultats apparents de cette immense conflagration.

Mais les résultats réels furent, du côté des Romains, la jeunesse rendue à la race latine, prématurément vieillie par l’abus de la force, fatalement corrompue par les excès de la conquête ; du côté des Barbares, l’universalisation de la foi chrétienne, et par elle la révélation d’une haute et généreuse morale, l’adoucissement des mœurs, et l’éclosion d’un spiritualisme d’où devait émaner la régénération du monde ; des deux côtés, comme résultat politique, l’adoption de la commune romaine, dont le souvenir avait été maintenu au milieu de la plus violente décentralisation, et dont le développement devait résulter de l’exagération même du despotisme féodal. Il est une loi providentielle qui impose au vainqueur la civilisation du vaincu, de même qu’elle permet aux forces de renouvellement de dominer tous les esprits et, à un moment donné, de diriger toutes les volontés : le droit romain fut donc adopté, d’une façon plus ou moins intelligente, par les hommes du Nord, et le christianisme devint le maître des vainqueurs et le défenseur des vaincus.

En ne considérant cette foi nouvelle que du point de vue de son action historique, on trouve qu’elle contenait tous les éléments d’un grand progrès assuré à l’avenir ; mais la chaîne de continuité du passé était inévitablement destinée à se briser, car le christianisme ne pouvait, en tant que manifestation humaine, et dans la période de son organisation, nous ne disons pas chercher, mais seulement admettre aucun autre levier de progrès en dehors de lui. Eh bien ! c’est à ce moment même qu’un grand homme surgissait en Arabie, Mahomet, reliant entre elles, par le monothéisme, de nombreuses tribus éparses, ennemies les unes des autres, et créant, sans le savoir, un nouveau foyer de civilisation. Ainsi, quand bouillonnaient dans cette fournaise ardente, qu’on appelle le moyen âge, les divers éléments destinés, par leur fusion, à constituer de nouvelles nations dans notre Occident, quand de nouvelles langues commençaient à se former, quand l’ouvrier et l’agriculteur, pour se mettre à l’abri des violences du seigneur du château, bâtissaient des bourgades et des villes, lorsque enfin l’état social de l’Europe s’organisait progressivement, les Arabes, en envahissant l’Espagne, nous rapportaient une partie des documents de la civilisation grecque, et réveillaient nos imaginations par