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PRÉFACE.

menter les idées du passé. Quelques âmes généreuses protestent comme Plutarque, comme Tacite, elles n’en font que mieux connaître la profonde misère de leur époque. Alors les grammairiens paraissent pour sauver la langue, levier d’un renouvellement à venir. Nous sommes arrivés à la période de décadence ; mais ne redoutons pas ce mot, il n’exprime qu’une transition.

À proprement parler, il n’y a point de décadence : l’idée, plus forte que le fait, survit dans les ruines ; la civilisation, plus vivace que les nationalités, passe de l’une à l’autre au bénéfice du genre humain. Ce que nous avons établi plus haut : ces temps primitifs, ces organisations laborieuses, ces épanouissements plus ou moins lumineux, ces décadences temporaire ne sont, à vrai dire, que les quatre périodes de la nature, les quatre périodes de la vie humaine. Mais comme l’hiver n’est pas la fin des saisons, comme la vieillesse et la mort ne sont pas la fin de la vie, de même la décadence n’est pas la fin de la civilisation d’un pays, car elle est relative, et non pas absolue, elle s’opère toujours à l’avantage de la civilisation universelle ; elle ouvre à chaque modification, un plus grand foyer de rayonnement, et doit être suivie tôt ou tard d’une renaissance. Chaque nation a été, tour à tour, dans l’ancien comme dans le nouveau monde, le centre d’un mouvement partiel ou d’un mouvement général. Seulement, en ce qui regarde l’ancien monde, l’absence d’une chronologie certaine, et le nombre restreint des documents connus ne permet pas de saisir les influences relatives d’un pays sur un autre, au fur et à mesure qu’elles se sont exercées ; et l’on ne peut considérer les produits de la pensée orientale que par groupes d’ensemble et par pays. Avec le nouveau monde, les différents mouvements intellectuels se dessinent beaucoup plus nettement, et il est facile d’y voir, non-seulement des influences réciproques, directes ou indirectes, mais aussi les phases diverses et multipliées de ces influences. Dans les deux mondes, même continuité de foyers, mêmes évolutions de périodes, tel est le phénomène providentiel qu’il nous reste à constater.

La période primitive du christianisme présente deux phases distinctes, de Jésus-Christ à saint Justin, et de saint Justin à l’édit de Constantin. Pas de poésie écrite d’abord, mais une sublime poésie d’action, dans la foi, dans l’abnégation, dans le dévouement jusqu’au martyre. Au sacrifice de la vie viennent s’ajouter ensuite les œuvres de la pensée. C’est le temps de Clément d’Alexandrie et d’Arnobe, le temps des Apologistes. Après l’édit de Constantin, et jusqu’à la chute de l’empire romain, l’organisation s’accomplit ; les dogmatistes surgissent, et l’éloquence religieuse, qui vient de naître, touche vite à son apogée par saint Athanase, saint Jean Chrysostôme, saint Jérôme, saint Augustin ; la poésie élève des notes douces et mélancoliques dans les méditations de saint Grégoire de Nazianze, et brille de quelques éclairs puissants dans les hymnes de Synésius. De la