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[Lect. V.]
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RIG-VÉDA. — SECTION TROISIÈME.

et distribue le soma (aux dieux) qu’il vénère. Il enfante les sept rayons[1] lumineux. Cependant, les (prêtres) avec le jour entonnent les hymnes qui font le bonheur (des hommes).

4. Quand le ciel apparaît aux premières lueurs du matin, quand les (Dévas) allument les feux du grand astre, c’est alors que le plus noble des héros chasse les noires ténèbres, et sa présence apprend aux mortels à distinguer les objets.

5. Indra, ami de notre soma, porte l’infini ; de sa grandeur il remplit le ciel et la terre. Au-dessus de tout s’élève celui qui domine les mondes.

6. Sacra connaît ce qui est bon pour les hommes ; secondé par les robustes (Marouts), il a envoyé les Ondes. Les prêtres (Angiras) par leurs saintes paroles ont (avec lui) brisé la caverne[2], et ouvert le pâturage des vaches (célestes).

7. Ta foudre, pour nous sauver, a frappé Vritra, qui enveloppait les eaux. La Terre en a frémi de joie. Ô héros, ô maître victorieux, envoie-nous ces Ondes qui coulent de la mer (céleste).

8. Ô (dieu) partout invoqué, quand tu as fendu la montagne (aérienne), Saramâ t’avait d’abord révélé le trésor (enlevé). Tu es notre conducteur, et, chanté par les Angiras, tu brises la porte du pâturage (divin), et tu pourvois à notre existence.

9. Ô Maghavan, les prêtres t’implorent ; viens auprès du sage qui te chante pour le combler de tes bienfaits. Accours vers lui avec les (Marouts), tes alliés. Nous avons besoin de tes dons. Que le magicien impie, que le ravisseur (des Ondes) périsse sous tes coups[3].

10. Viens dans notre demeure avec cette pensée qui tue le Dasyou. (Autrefois) Coutsa[4] désira et obtint son amitié. Assis tous deux sur le même siége, vous aviez la même forme, et ta pieuse épouse elle-même hésita entre vous.

11. Tu vas donc, pour secourir Coutsa, assis sur le même char que lui, poussant les deux coursiers, aussi rapide que le vent. Le jour même que ce sage choisit pour une expédition, il attelle ses (chevaux) impétueux, et (vous partez ensemble) comme à la conquête d’un riche butin.

12. En faveur de Coutsa, tu as donné la mort au misérable Souchna ; tu as tué Couyava[5] et ses mille compagnons. Avec l’arme de Coutsa détruis tous les Dasyous, et que le disque de Sourya s’élève librement.

13. Pour Ridjiswan[6], fils de Vêdathin, tu as frappé Piprou, et le robuste Mrigaya. Tu as tué cinquante mille compagnons du noir (Rakchasa). Comme la vieillesse détruit la beauté, brise les villes (célestes).

14. Quand tu apparais avec ton corps en face du soleil, ta forme immortelle se distingue aisément. Tel qu’un éléphant sauvage, tu réduis en poussière la plus forte puissance ; tel qu’un lion terrible, tu repousses toutes les armes.

15. Les (mortels) avides de richesses viennent à Indra, et l’invoquent dans le sacrifice, comme s’ils attendaient de lui seul leur bonheur. Ils le chantent dans leurs hymnes, et lui demandent l’abondance. (Indra) est pour eux comme une demeure agréable ; il est comme la Fortune prospère.

16. Implorons donc pour vous cet Indra qui sait accueillir la prière, et qui fait tout pour le

    porter à un dieu, ce serait plutôt à Agni, qui, en sa qualité de prêtre, accomplit les merveilles du sacrifice. Vrichan s’entend ici de celui qui verse la libation.

  1. On se rappelle que le feu est censé avoir sept rayons ; de là vient qu’Agni a les épithètes de Saptadjihwa, Saptadjwâla, Saptadidhiti, Saptârtchis, dieu aux sept langues, aux sept flammes, aux sept rayons. Le nombre sept pourrait encore s’entendre des sept genres de mètres sur lesquels se composent les hymnes, et qui concourent à la formation de la lumière.
  2. Cette idée est exprimée par le mot asman, qui signifie pierre. Le mot caverne, que j’ai choisi, a une double signification, que je prie le lecteur de vouloir bien adopter suivant la circonstance. Tantôt ce mot caverne représente le nuage qui renferme en son sein l’onde salutaire ; tantôt ce même mot se rapporte à l’enveloppe ténébreuse de la nuit, d’où apparaissent les rayons du jour.
  3. Voy. page 44, col. 1, note 7.
  4. Le commentateur entend ce passage d’une manière toute différente. Il suppose qu’il se rapporte au Coutsa, dont il sera question dans la strophe suivante ; il dit donc : Ô maghavan, tu es venu combler de tes bienfaits le poëte qui te chantait. Tu t’es placé près de lui pour le secourir. Il demandait ta protection, et Dasyou, magicien impie, est tombé sous tes coups. Je n’ai pas adopté ce sens, parce que la strophe suivante commence par un impératif, yâhi.
  5. Couyava est un Asoura. Voy. page 104. Quant à Coutsa, voy. page 62, col. 2, note 2 ; page 106, col. 1, note 3 ; page 156, col. 1, note 2. Coutsa, dit la légende, est un râdjarchi, fils de Rourou ; sa mère est Adjounî. Incapable de lutter contre ses ennemis, il appela Indra à son secours. Indra se rendit à sa maison, et, tua ses ennemis en prenant sa figure. Coutsa était ainsi devenu l’ami d’Indra, qui se trouvait son commensal. Satchî, l’épouse d’Indra, vint pour visiter son époux, et en voyant deux formes semblables, elle se trompa, et prit Coutsa pour Indra. Je ne sais pas bien l’explication que l’on peut donner de cette légende. Coutsa quelquefois signifie la foudre ; coutsya veut dire l’arme de Coutsa. Coutsa pourrait bien être l’éclaircie personnifiée ; quand le ciel se découvre partiellement, on peut prendre l’éclaircie pour Indra lui-même.
  6. Ridjiswan est un prince dont il a été question page 73, 75 et surtout 102.