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[Lect. VIII.]
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RIG-VÉDA. — SECTION TROISIÈME.


HYMNE X.

À Agni, par Coumara, fils de Djara, et Vrisa.

(Mètres : Trichtoubh et Sakwarî.)

1. La jeune mère porte l’enfant royal[1], mystérieusement caché dans son sein, et refuse de le remettre au père (du sacrifice). Les peuples ne voient plus la forme (du dieu), qui semble mort, et placé dans le lieu où il n’y a plus de plaisir.

2. « Ô jeune (mère), pour quel motif as-tu la malice de soustraire ainsi cet enfant royal ? » Et la reine alors a enfanté. Il a fallu de larges libations[2] pour que ce germe grossît. Je l’ai vu à sa naissance, au moment où sa mère le mettait au monde.

3. Oui, ici près, j’ai vu (ce dieu) à l’aigrette d’or, aux couleurs brillantes ; (je l’ai vu) essayer ses traits. Et moi, j’ai répandu sur lui l’onction immortelle. Que peuvent contre moi les hommes qui ne connaissent ni Indra ni l’hymne (saint) ?

4. Je l’ai vu sortir de son asile secret, et bientôt s’environner de rayons, comme (un pasteur s’environne) de son riche troupeau. On ne lui avait pas ravi ses flammes. (Le dieu) vient de renaître ; les vieilles flammes ont rajeuni.

5. « Qui donc, pendant que j’étais mortel, a enlevé ces vaches[3], qui se sont trouvées sans pasteur ? Que ceux qui les ont prises me les rendent. Que tout homme sage s’approche de mon troupeau. »

6. Des ennemis avaient rejeté au rang des mortels celui qui est le roi des êtres et l’espoir des nations. Que les prières d’Atri[4] le délivrent. Que ses calomniateurs soient confondus.

7. Sounahsépa[5] était attaché à mille poteaux. Tu l’as délivré, et il t’a chanté ; fais de même pour nous, ô Agni, ô sage sacrificateur, brise nos liens, et viens ici t’asseoir.

8. Tu peux être irrité ; mais reviens à ma prière. Si je m’adresse à toi, c’est par l’ordre du sage Indra, gardien des œuvres divines. Il t’a vu ; il me l’a dit, et je viens à toi, ô Agni.

9. Agni s’entoure d’une grande lumière, et par sa grandeur il a tout éclairé. Il dissipe la magie des impies qui suivent une mauvaise voie. Il aiguise ses cornes pour la perte du Rakchasa.

10. Que les lueurs frémissantes d’Agni s’arment dans l’air de pointes aiguës pour tuer le Rakchasa. Le dieu, dans sa joie triomphante, a des splendeurs qui repoussent et percent ses impies adversaires.

11. Ô divin Agni, ô toi qui nais (pour nous) tant de fois, sage et discret dans mes œuvres, j’ai composé cet hymne, qui est pour toi comme une espèce de char (d’honneur). Si tu es satisfait, envoie-nous des ondes qui nous apportent le bonheur.

12. Que (le dieu) magnifique, étendant ses cols nombreux et superbes, rassemble (en notre maison) la fortune de nos ennemis abattus. Les (Dévas) immortels[6] ont ainsi invoqué Agni : qu’il couvre de sa protection Manou[7], qui le reçoit sur son lit de gazon ; oui, qu’il couvre de sa protection Manou, qui le reçoit sur son lit de gazon.


HYMNE XI.

À Agni, par Vasousrouta, fils d’Atri.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Ô Agni, quand tu nais, tu es Varouna ; quand tu t’allumes, tu es Mitra. Enfant de la Force, tous les dieux sont en toi. Tu es Indra pour le mortel qui te sert.

2. Tu es Aryaman, quand, chargé de la Swadhâ, tu portes l’offrande mystérieuse des jeunes (libations). Celles-ci répandent sur toi, comme sur un tendre ami, le lait onctueux, au moment où tu viens consommer l’union de deux époux[8].

3. Tu es Roudra, et à ta brillante naissance les Marouts font éclater leurs clameurs et ornent (les

  1. Je ferai grâce au lecteur d’une légende, inventée après coup, pour expliquer cet hymne, et relative au prince Coumâra, écrasé par la faute du Pourohita Vrisa, et ensuite rappelé à la vie. Agni est caché au sein de l’Aranî : il y est comme mort. Le poëte gourmande cette mère, qui semble refuser son fils au sacrificateur, lequel est le père du sacrifice. Cet enfant est appelé Coumâra : c’est le nom qu’on donne au jeune héritier du trône. Or, Agni est destiné à être roi, et peut justement porter ce titre de Coumâra. S’il est roi, sa mère peut être reine, Mahichi.
  2. Le texte renferme le mot sarad, que je me suis cru déjà plusieurs fois autorisé à rendre par libation. Cependant je l’ai traduit par automne plus haut, section III, lecture v, hymne xiv, stance 4.
  3. Nous savons que ces vaches d’Agni, ce sont ses rayons lumineux.
  4. Atri est le père des poëtes auxquels l’hymne est attribué.
  5. Sounahsépa est un Richi qui, vendu par son père pour être victime dans un sacrifice, fut délivré. Voyez section I, lecture ii, hymne v, et M. Wilson, Vichnou-Paurâna, p. 404.
  6. Autrement les Amritas.
  7. C’est-à-dire l’homme.
  8. Ces deux époux, c’est Agni lui-même, c’est Vanaspati et la flamme (Djwâtâ).