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INDE. — INTRODUCTION.

les Oupanichads, ne nous fit connaître que les commentaires et non le texte des Védas. On savait depuis longtemps que les Arabes de Bagdad et les sultans Gaznévides avaient fait traduire des poëmes et des théologies indiennes ; mais se méfiant avec raison du choix et du jugement mahométans, on s’en rapportait peu à ces traductions expurgées par le fanatisme.

Tout restait donc à faire quand la conquête des Indes par une nation policée et curieuse éveilla l’intérêt des savants, et suscita leurs investigations. Les Anglais, plus persévérants que nous, et plus à même d’ailleurs, par leur établissement définitif sur les bords du Gange, de s’informer des mœurs et de l’esprit de leurs tributaires, s’enquirent des langues qu’on parlait autour d’eux : le palî, ancien idiome, le pracrit, dialecte vulgaire ; le sanscrit, langue hiératique et littéraire. Ils étudièrent surtout ce dernier ; ils se firent initier à ses œuvres innombrables en littérature et en théologie, demandèrent à plusieurs brahmanes un abrégé de leurs codes religieux et civils, se procurèrent des manuscrits, entreprirent des dictionnaires, réunirent des savants laïques et religieux, et fondèrent avec eux la société asiatique de Calcutta. William Jones avait donné l’impulsion ; Colebrooke la suivit et la dépassa. Grâce à sa liaison avec un de ces brahmanes curieux et intelligents, qui voulait à la fois s’instruire dans l’histoire de nos idées et dévoiler la source des siennes, Colebrooke put pénétrer la philosophie et la religion de ce grand peuple des Aryas, souche des principales nations européennes, ainsi que des Hindous et des Perses. C’est donc à Colebrooke et à son digne initiateur Ram-mohun-roy, que nous devons le premier ouvrage sérieux sur les philosophies théocratiques de l’Inde. Une fois cette grande phase de l’humanité dévoilée, l’érudition et la science se précipitèrent à sa conquête. Les manuscrits védiques abondèrent en Europe : Rosen rectifia les textes, Langlois, Wilson les traduisirent, Muller, Weber les classèrent ; Eugène Burnouf élucida les travaux antérieurs ; d’autres de plus en plus nombreux les suivirent ; et un monde fut découvert, non moins nouveau que l’Amérique de Christophe Colomb.

Maîtres désormais de textes véritables, en possession de lexiques et de grammaires, de commentaires et de gloses qui pouvaient guider et assurer leur marche, une foule d’hommes studieux se plongèrent à l’envi sur cet océan de définitions, de dissertations, d’amplifications, de scholies, de poëmes, d’où émergèrent bientôt, grâce à leurs persévérants efforts, une société tout entière, et divers cultes successifs. Que découvrîmes-nous tour à tour ? Des traditions sacrées formulées sous les rhythmes de l’hymne, reproduites oralement pendant des temps indéterminés, et transcrites sur des feuilles de palmier vers le douzième siècle avant notre ère, ce sont les Védas. Puis une religion officielle, le Brahmanisme ; des lois religieuses, le Code de Manou ; des épopées sacrées, le Ramâyana, le Mahâbhârata ; plusieurs systèmes philosophiques, le Sankya, le Nyaya, le Védanta ; des schismes nombreux, des individualités athéistes ; des légendes théocratiques, les Pouranas ; des traditions historiques, les Itihasas ; des