Page:Langlois - Rig Véda.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
310
[Lect. V.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

2. Vêswânara est l’ombilic des sacrifices et le trésor de la richesse. Invoqué par les grands, il est chanté (par les sages). Les Dévas l’ont produit pour être le char des offrandes et le messager de l’œuvre sainte.

3. Ô Agni, c’est toi qui fais le prêtre riche en offrandes, toi qui (fais) le guerrier vainqueur de ses ennemis. Ô royal Vêswânara, accorde-nous des biens dignes d’envie.

4. Ô immortel Vêswânara, tu n’étais qu’un enfant nouveau-né, et déjà tous les Dévas[1] te comblaient de louanges. C’est par tes œuvres qu’ils deviennent immortels, aussitôt que tu brilles entre les deux grands parents.

5. Ô Agni, ô Vêswânara, personne ne peut blâmer ces grandes œuvres que tu accomplis, quand tu nais au monde, et que, placé entre les deux grands ancêtres, tu élèves dans les sacrifices l’étendard des jours.

6. Les hauteurs du ciel ont été pénétrées par les clartés que lance l’étendard de l’immortel Vêswânara. Sa tête traverse tous les mondes ; et, comme autant de rameaux, montent les sept pointes[2] de ses rayons.

7. Le sage et puissant Vêswânara a mesuré les brillants espaces du ciel ; il a étendu autour de nous tous les mondes. Il est l’invincible pasteur, le gardien de l’immortalité.


HYMNE VII.
À Agni, par Bharadwâdja.
(Mètres : Djagatî et Trichtoubh.)

1. Je chante dans le sacrifice la force d’un (dieu) grand, généreux, éclatant, qui possède tous les biens. Une prière nouvelle, belle et pure, coule, comme le soma, pour Agni, (surnommé) Vêswânara.

2. Agni est le gardien des œuvres (sacrées) ; à peine né, il les surveille du haut de son siége (divin). Vêswânara, exerçant sa puissance, a mesuré l’air, et dans sa grandeur il a touché le ciel.

3. Admirable ami (des hommes), il a consolidé le ciel et la terre, et par sa lumière a fait disparaître les ténèbres. Vêswânara a étendu (dans l’espace) comme deux (vastes) peaux qui renferment tout ; il contient en lui tous les germes de fécondité.

4. Les grands[3] (Dévas) ont reçu Agni dans l’enceinte où l’attendent les Ondes (du sacrifice). Le peuple a salué de ses chants le roi Vêswânara. Mâtariswan, (accourant) de la contrée lointaine, l’a soutenu (de son souffle), et s’est fait le messager du pieux sacrificateur[4].

5. Ô Agni, donne d’âge en âge à ceux qui te célèbrent par un hymne nouveau une opulence glorieuse et digne de nos sacrifices. Ô roi immortel, que l’impie soit terrassé sous ton trait brûlant, et brisé comme l’arbre par la foudre.

6. Ô Agni, si nous sommes puissants, conserve-nous une force toujours ferme, toujours invincible. Qu’elle soit appuyée par une mâle jeunesse. Avec tes secours, ô Agni, ô Vêswânara, puissions-nous obtenir une abondance qui passe tous les désirs !

7. Ô (dieu) honoré dans trois demeures différentes, par ta puissante protection défends nos seigneurs. Si nous te louons, si nous t’apportons des présents, ô Agni, ô Vêswânara, conserve et augmente notre force.


HYMNE VIII.
À Agni, par Bharadwâdja.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. Deux mondes successifs nous amènent tour à tour le jour noir et le jour blanc. Agni (surnommé) Vêswânara naît, et, tel qu’un roi, par sa lumière il repousse les ténèbres.

2. Je ne distingue pas encore le fil ni la toile que tissent ces (ouvriers) rassemblés pour le sacrifice. Où est le fils qui pourrait d’en haut nous indiquer les choses que lui apprend son père habitant d’ici-bas[5] ?

  1. Ces dévas, ce sont les Rites personnifiés.
  2. Le commentaire a vu ici une allusion aux sept rivières. J’y trouve plutôt les sept rayons de lumière dont se compose la flamme d’Agni.
  3. Le commentaire fait rapporter ce mot Mahîchâh aux Marouts, d’autant plus qu’il place Agni dans le séjour des ondes célestes, dans l’air.
  4. Il y a dans le texte le mot Vivaswat, qui est devenu une épithète du soleil, mais qui ne me paraît avoir ici d’autre sens que celui de dévot, sacrifiant (yadjamâna). Il pourrait aussi être en rapport avec Agni, et signifier dieu brillant. Si je comprends bien le rôle de Mâtariswan dans cette circonstance, il arrive de l’extrémité de l’horizon, aussitôt qu’il aperçoit la première lueur d’Agni qui sort de l’Aranî ; il le caresse et l’excite de son souffle, et bientôt il pousse ses clartés qui vont illuminer le ciel. Le commentaire semblerait comprendre que Mâtariswan apporte Agni du soleil sur la terre. Ce sens me paraît contrarier toutes les données des poëtes sur l’origine d’Agni.
  5. Ce passage pourrait passer pour une énigme. Le sacrifice a lieu au point du jour, à une heure où les objets ne sont pas encore distincts, où le prêtre peut à peine apercevoir les divers ministres chargés des rites sacrés. La trame du sacrifice s’ourdit encore dans l’obscurité. Le fils d’Agni, le soleil, n’est point sur l’horizon ; et la lumière que lui fournit son père, qui est sur la terre, au milieu des hommes, n’est pas encore arrivée pour les diriger d’en haut.