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INDE. ― INTRODUCTION

véritables ancêtres, qui sont déjà partis, et, sous les noms de Celtes, de Pélasges, de Germains et de Slaves, ont suivi la marche du soleil, contourné la mer Caspienne, traversé des fleuves et leurs courants rapides, des montagnes et leurs forêts épaisses, des marais et leurs terrains mouvants, en emportant avec eux, dans notre Occident, le véritable Agni, le feu sacré de l’intelligence et du progrès.

L’Arya de l’Inde, traînant après lui ses troupeaux, pillant pour les augmenter, luttant pour les défendre, s’arrêtant tout à la fois pour combattre et pour se reposer, acharné contre les autochtones, ces Dasyous qu’il ne peut assez souvent maudire, rapportant à ses dieux ses victoires et leur en demandant de nouvelles, est un peuple en marche qui se développe par une lente conquête. Aussi ses hymnes sont-ils à la fois des prières, des chants de victoire, des imprécations contre les vaincus, rarement des préceptes de conduite, plus rarement encore des préceptes de morale. L’Arya médo-perse, soumis aux variétés climatériques du sol qu’il a choisi pour son établissement, réjoui par le printemps, désolé par l’hiver, enthousiasmé des fleurs et des fruits de son Iran, épouvanté des neiges et des tempêtes de son Touran, discernera dans la nature deux forces ennemies, deux combattants, le bien et le mal. L’Arya slavo-scandinave, en pénétrant dans le Nord rigide, verra des divinités féroces dans ses nuages fantastiques, et dans ses glaces polaires. L’Arya celtique, voyageant à travers les brumes et les marais, prendra des rochers pour autels et des forêts pour temple ; de sa terreur naîtront des mystères terribles, et de sa vie menacée des sacrifices sanglants. L’Arya gréco-romain, au contraire, sous son ciel azuré, au bord de sa mer radieuse, sur sa terre favorisée par la plus douce des températures, s’épanouira en mille grâces de poésie, et peuplera les cieux de toute une génération divine.

Le pays, où se livrent les luttes sourdes et répétées des Aryas-Hindous, le Saptasindhou, formé par les affluents de l’Indus, et longtemps borné, pour ces derniers, d’un côté par le fleuve, de l’autre par la montagne, n’est pas encore fort distant du lieu d’origine des vaillants hommes, la Bactriane, si féconde en émigrants. Les Aryas-Hindous s’y développeront avec patience, y gagneront pied à pied une patrie, y poursuivront, combat par combat, l’extermination de leurs mystérieux adversaires, et fonderont leur unité en consacrant tour à tour les inspirations de leurs poètes, et en léguant à leur postérité leur étrange livre aux centaines d’auteurs.

Qu’étaient-ce donc ces auteurs si nombreux ? Nous l’avons dit, des pères de famille, ces prêtres naturels, primitifs interprètes des vœux et des hommages de leurs enfants. Ces pères de famille allumaient le feu du sacrifice, lui offraient comme aliment le soma, liqueur tirée de l’asclépiade amère, le beurre, le lait, plus tard un bélier, et enfin le cheval. Pendant ce sacrifice ils prononçaient des paroles sacramentelles et des prières ; et, quand le sacrificateur était poëte, ces paroles devenaient des rhythmes, ces prières devenaient des hymnes. Puis on répétait ces hymnes à chaque nouveau sacrifice ; on se les transmettait oralement de fils en fils ; et la tradition