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INDE. — INTRODUCTION.

joug, et un peuple, d’origine active et intelligente, descendra jusqu’au dernier degré de l’apathie et de l’impuissance.

Quoi qu’il en soit, dans le principe, ce qui caractérise le Véda, c’est la simplicité. L’homme reconnaît une suprématie céleste, et il croit qu’elle se manifeste dans les phénomènes qu’il observe ; le feu lui parait une des forces les plus incontestables de la nature, et il s’adresse à lui sous le nom d’Agni ; le soleil lui semble un des bienfaiteurs les plus manifestes de l’humanité, et il l’invoque sous le nom de Sourya ; l’atmosphère lui est favorable par ses pluies fécondes, et il la bénira sous le nom d’Indra ; la voûte céleste attire ses regards, ce sera pour lui Varouna ; la nature terrestre, la verdure et ses prestiges le charment par leur splendeur, et il la différenciera du ciel par le nom de Prisni ; le vent de la montagne enfin est pour lui un tyran, qui courbe sous son sceptre le panache des forêts et la crête des flots, qui amoncelle les nuages ou qui les déchire, et il le suppliera sous le nom de Roudra. Ainsi fait-il de tous les phénomènes qui le frappent, que tantôt il individualise, que tantôt il résume sous le nom générique de Dévas, esprits lumineux.

Un autre trait caractéristique du Véda est la sincérité. Cette sincérité se manifeste aussi bien dans les vœux les plus exigeants que dans les objurgations les plus violentes. L’Arya est aussi franc dans ses désirs de richesse et de prospérité que dans sa haine pour le Dasyou, l’indigène, son rival, son ennemi. À l’entendre, le Dasyou ne vit que de rapines, dérobe honteusement, comme un brigand, le bien d’autrui ; il n’a ni foi, ni loi, il méconnaît les dieux, il est lâche, perfide et pervers. L’Arya le voue à l’exécration, et supplie les puissances célestes de le foudroyer, de l’anéantir, aussi bien qu’il les implore sans cesse pour doubler ses biens, pour augmenter ses troupeaux, pour lui donner une postérité nombreuse, valeureuse et productive. Tel est l’homme primitif, aux passions exaltées et franches, à l’énergie de sentiments, à l’avidité des richesses. Ce sont d’abord des vaches et des chevaux qu’il réclame aux divinités, c’est plus tard de l’or, et toujours le triomphe, la fortune, le bonheur matériel et immédiat. Il leur apprête le soma, la liqueur du sacrifice, afin qu’ils lui rendent un bienfait pour chaque goutte du breuvage sacré, il les convie à recevoir ses offrandes pour leur en demander instantanément le prix.

Et maintenant, quel est le peuple qui chantait ces hymnes si heureusement inspirés ? Figurons-nous d’abord, au pied des montagnes les plus hautes du globe, sur le versant occidental de l’Himalaya (séjour des neiges), un pays rude et austère, des champs d’orge sur les plateaux, des herbages dans les fonds, et à l’horizon des rochers superposés, des torrents qui se mêlent aux flots de l’Indus, toute la majesté de la nature, mais aussi toute sa rigueur. L’hiver et l’été sont durs : froid glacial ou chaleur étouffante ; les équinoxes sont féconds en tempêtes ; mais le printemps a des charmes si vifs que le chant des ancêtres le redira à toutes les générations. C’est là que vécurent ces Aryas de l’Inde, séparés de leurs frères, les Iraniens, et des émigrants Aryas, nos