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[Lect. III.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

27. Fais que nous ne soyons pas exposés aux mauvais desseins d’un ennemi inconnu. Mets-nous à l’abri du malheur. (Noble) héros, puissions-nous avec toi traverser ces ondes débordées qui menacent de nous entraîner dans leur courant !


HYMNE XIV.
À Indra[1], par Vasichtha.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. Que les prêtres blanchis par l’âge, portant la crête de leurs cheveux du côté droit, ministres des œuvres (saintes), prennent part à mes transports. Je me lève, et je m’adresse à ces hommes assis autour de moi sur le gazon. Restez près de moi, ô Vasichthas.

2. Ils ont par leurs libations attiré le terrible Indra, ami du soma, que renferme le Vésanta[2]. Ils l’ont éloigné de Pâsadyouma[3], fils de Vayata. Indra, enivré de leur soma, a préféré les Vasichthas.

3. C’est ainsi qu’Indra a heureusement avec eux traversé le Sindhou[4] ; qu’avec eux il a donné la mort à Bhéda[5] ; qu’il a (dans un combat) livré par les dix rois[6], sauvé Soudas par la vertu de vos rites, ô Vasichthas.

4. C’est ainsi que par vos rites, ô prêtres, vous conservez heureusement le char immortel de vos pères quand avec vos sakwarîs[7] récitées à grand bruit vous donnez de la force à Indra, ô Vasichthas.

5. Au milieu (du combat) livré par les dix rois, les (hommes) demandaient la lumière, comme des gens altérés (demandent l’eau) ; les (Vasichthas) la leur ont rendue. Indra a entendu l’hymne de Vasichtha. Il a ouvert le monde aux Tritsous[8].

6. Quelques Bharatas[9] avaient déjà été brisés comme les bâtons qui servent à conduire les vaches. Vasichtha s’est avancé ; et aussitôt les troupes des Tritsous se sont développées.

7. Trois (dieux) jettent dans les mondes leur féconde semence, et produisent trois familles (divines), dont la principale a pour père le Soleil[10]. Trois Feux[11] embrassent l’Aurore. Ce sont là autant de (dieux) que reconnaissent les Vasichthas.

8. C’est ainsi qu’ils célèbrent la lumière comme vertu du Soleil, la grandeur profonde comme vertu de l’Air, la rapidité comme vertu du Vent. Un autre ne saurait les chanter comme vous, ô Vasichthas.

9. Les Vasichthas s’élèvent, avec science et sagesse, sur l’arbre mystérieux qui a mille branches[12]. Assis (près du foyer), ils forment le large tissu dont l’Apsarâ (Ourvasî) enveloppe (Agni)[13].

10. Mitra et Varouna te virent entouré d’étincelles et de lumière. Ce fut alors ta première naissance, ô Vasichtha, et sous le nom d’Agastya tu apparus aux peuples.

  1. Le commentaire dit que cet hymne est en l’honneur des fils de Vasichtha.
  2. Nom particulier du vase où l’on dépose le soma.
  3. Le commentaire raconte que Soudâs voulant faire faire un sacrifice à Indra, eut pour rival le roi Pâsadyoumna, dont les efforts furent neutralisés par les efforts des Vasichthas, qui assurèrent la supériorité à Soudâs. Ce Pâsadyoumna me semble être un Asoura : son nom signifie qui enchaîne la force.
  4. Je pense que c’est, sous d’autres noms, l’histoire racontée page 211.
  5. Voir plus haut, page 357, col. 1, note 2.
  6. Ces dix rois ne seraient-ils pas les dix gardiens des régions célestes ?
  7. C’est le nom d’un mètre poétique. Je crois être fidèle au texte des manuscrits en écrivant ici et partout ailleurs sakwari, et non sakkari, malgré l’autorité de M. Wilson dans son Dictionnaire.
  8. Nous disions plus haut, page 356, col. 1, note 3, que les Tritsous nous semblaient devoir être les mêmes que les Marouts. Le commentateur dit que ce sont des rois, et je ne serais pas étonné qu’il les regardât comme les dix rois dont il est fait ici mention. Le même commentateur, au distique 14, donne le mot Pratrid pour synonyme de Tritsou.
  9. Le commentaire rappelle que Bharata est le nom d’un roi. En même temps il dit que Bharata est un nom des Tritsous. Je ferai observer que ce mot est une épithète de Roudra, sans doute parce qu’il porte le nuage.
  10. Les trois dieux dont il est ici question sont Agni, Vâyou et Aditya, lesquels produisent les Vasous, les Roudras et les Adityas.
  11. Je suppose que ce sont les trois feux du sacrifice. L’auteur leur donne le nom de gharma. Voy. sect. IV, lect. II, hym. xi, st. 7.
  12. Le poëte désigne ainsi l’ensemble des hymnes, des prières et des rites.
  13. Le commentaire croit que dans cette phrase il est question du corps de Vasichtha enfanté par Ourvasî. Une Apsarâ est une nymphe des ondes du sacrifice ; et nous avons vu ailleurs, sect. IV, lect. ii, hym. ix, qu’Ourvasî est la libation personnifiée. Cette libation, en tombant sur le foyer, soulève une fumée et une flamme, qui sont le vêtement d’Agni. Ce vêtement est tissu par la main du prêtre, qui répand la libation. Quant à cette généalogie de Vasichtha, né d’Ourvasî, voici mon explication. Le mot Vasichtha, tel que le mot Angiras et d’autres, me semble être une épithète d’Agni en sa qualité de prêtre, brahman. Agni (Vasichtha) est né de la libation (Ourvasî), à l’occasion d’un sacrifice fait en l’honneur de Mitra et Varouna, et a été surnommé Métrâvarouna. J’en dirai autant d’Agastya, né dans une jarre, c’est-à-dire, sur le foyer de terre ou dans le vase des libations. Avec cette explication, il n’est pas étonnant qu’Agastya soit le même personnage que Vasichtha.