Page:Langlois - Rig Véda.djvu/38

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cercle d’activité, mais plutôt auxiliaires des trois dieux supérieurs que souverains par eux-mêmes de toutes les choses et de tous les êtres. Le Rig-Véda ouvre et ferme par un hymne à Agni. Si, comme nous le croyons, une idée dirigeante a présidé au classement du Rig, cette disposition n’indiquerait-elle pas qu’Agni était le dieu des prêtres, comme Indra semble le dieu des guerriers, et qu’il devait, d’après les brahmanes, triompher de tous ses rivaux, et les absorber à la fin dans sa toute-puissance ? Toujours est-il qu’il y a une sorte d’antagonisme entre eux, sinon dans les actes, au moins dans les attributs, et l’on voit cette lutte naître et se développer dans des chants divers, qui, par leurs louanges graduées et progressives, tendent à attribuer à l’un ou à l’autre la prédominance, la souveraineté suprême, la création. Nous chercherons à établir cette hypothèse par la légende de l’un, Indra, et par les développements, de l’autre, Agni ; quant à Sourya, il est aussi clair dans sa cause et aussi incontestable dans ses effets que l’astre immense et bienfaisant qu’il représente.

Ce qui donne à Sourya, le soleil, une valeur toute poétique, c’est qu’il apparaît à chacun comme le plus distinct, le plus évident, le plus actif de tous les dieux. Rien n’est douteux dans sa puissance, rien n’est équivoque dans ses diverses manifestations. Son séjour est dans le ciel, mais son empire est aussi bien sur la terre que dans les airs, dans l’espace qu’il remplit, dans la nature qu’il éclaire, échauffe et féconde. Les animaux lui doivent la vue pour se diriger, les hommes l’intelligence pour le comprendre ; il donne aux montagnes leur physionomie, à la plaine sa parure, au fleuve son scintillement, à la fleur sa beauté, à tous les êtres ce qui les caractérise et ce qui les différencie. Son absence efface toutes les couleurs, vide l’horizon, éteint tous les yeux, confond tous les esprits, détruit toute individualité, et remplace par un chaos temporaire l’harmonie des mondes, qui n’est autre chose pour les hommes primitifs que la lumière. Mais Sourya ne se contente pas de briller, et de dispenser, entre tous, les effluves inépuisables de sa splendeur ; il pénètre chaque corps organisé, il prodigue sa chaleur à la création entière, dote la sève de son activité, le sang de sa tiédeur, la terre de sa fécondité, l’imagination de ses brillantes couleurs ; il entretient l’existence de tous, et imprime au mouvement universel sa vertu de croissance et d’élasticité. Le soleil enfin crée la joie, le bonheur ; la nuit est triste, le ciel voilé par la tempête est terrible ; les ténèbres sont la mort, la clarté seule est la vie. Ces propriétés bienfaitrices du soleil, les Aryas les saisissent, et les expriment par les noms divers du soleil, qu’ils appellent tour à tour Sourya, le resplendissant, et Savitri, le créateur, Pouchan, le nourricier, et Mitra, l’ami de tous, Bhaga, le fortuné et Aryaman, le puissant. Enfin, sous le nom de Vichnou, le voyageur céleste, ils se le figurent d’abord comme un nain qui apparaît avec sa grosse tête à l’horizon, croît avec la rapidité vertigineuse d’un dieu, projette ses feux dans l’infini, s’empare du ciel et le traverse en trois pas : le lever, le zénith et le coucher. Pour eux Vichnou