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[Lect. VII.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

puissant lion. Qui ne prierait pas un maître tel que toi ?

21. (Qu’Indra boive) ce soma qui cause l’ivresse, qui donne une force terrible, (ce soma) qui triomphe de tout et qui brise l’orgueil insensé. Quand il boit le soma, il est généreux pour nous.

22. Loué et célébré par les maîtres (de maison), ce dieu prodigue ses biens au mortel son serviteur, qui dans le sacrifice lui apporte des libations et des hymnes.

23. Ô divin Indra, viens, et réjouis-toi de nos riches offrandes. Bois avec les Marouts, et remplis ton large ventre de nos libations. Qu’il se gonfle comme un lac.

24. Ô Indra, le Sacrifice attelle à ton char d’or et cent et mille coursiers ornés d’une belle crinière. Qu’ils t’amènent à nos libations de soma.

25. (Attelés) à ton char d’or, que deux coursiers au dos noir, (au poil) nuancé comme (la plume) de paon, t’amènent à nos libations renommées, et aussi savoureuses que le miel.

26. Reçois nos louanges, et sois le premier à boire de ces libations. Pour ton bonheur, nous versons cette belle et limpide liqueur.

27. Ce (dieu) incomparable est au-dessus de tout par ses œuvres ; il est grand, il est beau, il est terrible dans ses actions. Qu’il vienne, pour ne point nous quitter. Qu’il vienne à notre invocation ; qu’il se garde de nous abandonner.

28. Tu as avec tes traits brisé la ville mobile de Souchna. Ô brillant Indra, achève (ton ennemi), toi qui mérites d’être honoré par des chants et par des offrandes.

29. Ô (Dieu) fort, que mes hymnes t’attirent au lever du Soleil, au milieu de sa course brillante, au moment des libations du soir.

30. (Le roi Asanga parle.) Chante (Indra), chante, ô Médhyâtithi. Ils te sont dévoués, ces magnifiques seigneurs. J’ai des chevaux supérieurs ; je possède un arc victorieux ; mon empire s’étend au loin. Je puis être généreux.

31. Quand j’attelle à mon char mes coursiers dociles à ma voix, tout ce qui est de la race des Yâdwas[1] ne doit penser qu’au bonheur et à l’opulence.

32. (Le poëte reprend.) Le char retentissant d’Asanga[2] m’a rapidement apporté des présents avec des étoffes d’or. Qu’il triomphe, qu’il s’empare de tous les biens.

33. Asanga, fils de Playoga, a fait, ô Agni, des présents de dix mille (vaches). Mais, entre autres, il y a eu pour moi dix taureaux magnifiques, qui s’élèvent comme les roseaux d’un lac.

34. La virilité qu’Asanga (avait perdue) reparut (une nuit) pleine et entière[3]. Saswatî, sa femme, s’en aperçut, et dit alors : « Ô seigneur, votre vigueur vous est heureusement rendue ! »


HYMNE VI.
À Agni, par Médhyâtithi ou Priyamédha.
(Mètres : Gâyatrî et Anouchtoubh.)

1. Ô (Dieu) fort et intrépide, bois ce breuvage qui t’est présenté. Que ton ventre se remplisse (des mets) que nous t’offrons.

2. Ce soma agité par les prêtres, extrait des mortiers et purifié à travers les poils du filtre, ressemble à un cheval qui vient de se baigner dans les ondes.

3. Ô Indra, nous t’honorons dans cette assemblée en mêlant pour toi cette orge savoureuse avec le lait de la vache.

4. Indra est un (dieu) incomparable, qui aime notre soma et les (autres) libations. Il est la vie de tous les êtres, placé au milieu des Dévas et des mortels.

5. Nous chantons (le dieu) bienfaisant qu’attirent le soma brillant, l’offrande laborieuse et les (mets) appétissants.

6. De même que les chasseurs guettent le gibier, d’autres que nous (recherchent Indra), en lui présentant leurs offrandes. Ils viennent à lui avec les vaches (du sacrifice).

7. Ainsi, que dans nos demeures trois libations soient versées en l’honneur du divin Indra, qui aime le soma.

8. Trois torrents (de libations) s’écoulent, trois vases bien remplis (se vident) en l’honneur d’un même (dieu).

9. (Ô Soma), dans ces vases nombreux où tu reposes au milieu d’un mélange de lait et de caillé, tu es l’ami le plus pur et le plus agréable de l’héroïque (Indra).

  1. Voy. plus haut, page 357, col. 2, note 5.
  2. Le roi Asanga, de la race de Canwa, était fils de Playoga ou Prayoga. Son nom patronymique est Plâyogi.
  3. La légende raconte que, par suite de la malédiction d’un dieu, Asanga perdit sa virilité. Saswatî son épouse, fille d’Angiras, fit pénitence, et, à la prière de Médhâtithi, son mari recouvra ce qu’il avait perdu. Je pense que Saswatî est le sacrifice qui restitua à Asanga la richesse et la puissance qui lui avaient été enlevées.