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[Lect. II.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

mamelles ; c’est pour lui que se fait le précieux mélange (du soma).

5. Ainsi qu’un char, les dix frères ont lancé (Soma), qui est arrivé près d’Aditi[1]. Il s’approche du siége mystérieux de la vache (du sacrifice), lui qui doit aussi sa naissance aux prêtres.

6. Tel qu’un épervier, le dieu vient vers ce foyer que la piété a construit ; (il vient) vers ce trône d’or. Les (prêtres) au bruit de la prière lancent leur (nourrisson) sur le gazon (sacré), et, comme un cheval, cet (être) adorable accourt vers les dieux.

7. Sage, brillant, généreux, (Soma) descend par les airs[2]. Trois fois il présente son dos aux libations[3], et vient goûter le lait[4] de la louange. Il suit mille et mille voies ; il tombe (dans les coupes), il en sort. Il fait entendre sa voix, et brille au milieu des fécondes Aurores.

8. Il prend une forme resplendissante ; et sa couleur, du siége où il est assis, éloigne les ennemis au moment du combat. Il est le maître des ondes ; il apporte la swadhâ à la race divine. Il s’unit à l’Hymne, ami des libations.

9. Comme le taureau (mugit) au milieu de son troupeau, lui il résonne (au milieu des Louanges). Il se revêt de la splendeur du soleil. Oiseau céleste[5], Soma regarde la terre d’en haut ; (armé) de sa force, il voit autour de lui tous les êtres.


HYMNE VIII.
À Soma, par Harinanta, fils d’Angiras.
(Mètre : Djagatî.)

1. Le (dieu) brillant est purifié. Tel qu’un rapide coursier, il vient s’unir au (lait) de la vache ; Soma est jeté dans le vase (du sacrifice). Il fait entendre sa voix ; les (prêtres) aussi font résonner la prière avec sa louange. Par combien de présents il répond à leur amour !

2. Une troupe nombreuse de sages élève la voix. Ils précipitent Soma dans les entrailles d’Indra. Les prêtres aux mains brillantes, avec le ministère des dix frères, purifient l’aimable et douce libation.

3. Sans retard (Soma) vient se mêler au (lait de) la vache. Le bruit qu’il fait étouffe le bruit de la fille du Soleil[6]. La voix du prêtre le charme ; mais ses (mains), ces deux sœurs diligentes, le saisissent (pour le fatiguer).

4. Agité par les prêtres, extrait des mortiers, l’aimable Indou, le maître brillant des vaches (sacrées) est placé sur le gazon. Entouré des Rites, consommant le sacrifice de Manou, le pur Soma vient à toi, ô Indra, avec la Prière.

5. Versé par la main des prêtres, Soma coule en rosée, et vient à toi, ô Indra, pour être ta Swadhâ. Tu accomplis les œuvres (saintes), tu amènes les prières[7] dans le sacrifice. Tel qu’un oiseau dans son (nid), tel il brille entre les deux plateaux du pressoir.

6. Les sages, ouvriers prudents, prennent le lait du sage et immortel Soma, qui fait entendre sa voix. Aussitôt les Vaches (du sacrifice), les Prières, se rassemblent à l’envi dans la demeure de Rita.

7. Le (Dieu) qui soutient le vaste ciel habite le foyer de Prithivî[8], le flot des Ondes, les (saintes) Rivières. Fort, généreux, opulent, il va porter la gaieté au cœur d’Indra.

8. Accours dans ce monde terrestre, ô (Dieu) puissant ; sois un bienfaiteur pour ton chantre qui te verse (avec piété). Ne nous prive pas des richesses que nous avons pu obtenir. Puissions-nous arriver à une vaste opulence !

9. Donne-nous, ô Indou, des chevaux, des troupeaux, de l’or ; (apporte-nous) une riche abondance. Comble-nous de cent, de mille présents. (Dieu) pur, viens (à la voix) de notre hymne.

  1. Aditi est le nom de la terre ; et la terre ici, c’est la terre du sacrifice, ou plutôt le foyer de terre, autrement Prithivî. J’avais pensé jusqu’à présent que les Adityas étaient fils d’Aditi, dans ce sens que le soleil, à l’horizon, semblait naître de la terre. Mais il me semble aujourd’hui que les Adityas sont ainsi appelés, parce qu’ils naissent du sacrifice, dont Aditi est le foyer.
  2. Le commentateur explique ces mots en disant que la libation traverse l’air, quand elle tombe dans les vases divers du sacrifice.
  3. Traduction de l’adjectif triprichtha.
  4. Cette traduction essaye de reproduire le sens du mot vaches qui est dans le texte. Car nous savons que la louange est aussi pour le poëte une vache.
  5. Il ne faut pas oublier que Soma est une forme d’Agni, et qu’Agni est dans le ciel le soleil, l’oiseau céleste.
  6. Les hommes s’agitent en parlant au lever de l’Aurore : le bruit des mortiers qui écrasent le soma s’élève au-dessus de tout ce tumulte.
  7. Le commentaire donne un autre sens. Il veut que matih soit synonyme de satrouh (ennemi).
  8. Autrement le foyer qui est fait de terre, et qui est appelé l’ombilic de Prithivî.