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[Lect. I.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

toutes les vertus de la virilité, se réjouisse de ces mets abondants et variés.

10. Que nul homme ne porte atteinte à nos corps ; Indra, seigneur célébré par nos chants, éloigne de nous la mort.

HYMNE VI.

À Indra, par Madhoutchhandas.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Placés autour du (foyer), les hommes préparent le char[1] (du dieu) brillant, pur et rapide[2] ; (cependant) brillent dans le ciel les feux (du matin).

2. À ce char sont attelés ses deux coursiers, beaux, brillants, impétueux, rougeâtres, et dignes de porter un héros.

3. Ô mortels, (voyez-le) mettant l’ordre dans la confusion, donnant la forme au chaos. Ô Indra, avec les rayons du jour tu viens de naître.

4. À peine la formule de l’offrande[3] a-t-elle été prononcée, que les (Marouts)[4], dont le nom mérite d’être invoqué dans les sacrifices, viennent exciter (de leur souffle) le feu à peine sorti du sein de l’arani[5].

5. Avec (ces Marouts), qui brisent tout rempart et supportent[6] (la nue), Indra, tu vas, du sein de la caverne, délivrer les vaches (célestes)[7].

6. Voilà pourquoi l’hymne qui chante les dieux célèbre aussi le grand (dieu des vents), qui assiste (Indra) de ses conseils, et découvre les heureux trésors.

7. Avec l’intrépide Indra, (ô dieu), on te voit accourir ; tous deux pleins de bonheur, tous deux également resplendissants.

8. Notre sacrifice confond, dans un hommage aussi empressé, Indra et la troupe (des Marouts) bienfaisante, irréprochable, et brillante des feux (du matin).

9. (Dieu des vents), qui parcours le monde, viens vers nous, ou de ton séjour habituel, ou de la demeure céleste de la lumière[8] ; notre voix aujourd’hui t’appelle.

10. Nous invoquons aussi la libéralité d’Indra ; (qu’il nous entende), soit d’ici-bas, soit de l’air qui enveloppe la terre, soit du vaste séjour de la lumière.

HYMNE VII.

À Indra, par Madhoutchhandas.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. C’est Indra dont nos chants, Indra dont nos hymnes, Indra dont nos prières exaltent la grandeur.

2. Indra, avec ses deux coursiers azurés et dociles à la voix[9], va se mêlant à tout ; Indra, tout brillant d’or, porte la foudre.

3. Pour élargir l’horizon, Indra a élevé le soleil dans le ciel ; au milieu des vaches (célestes), il a lancé sa foudre.

4. Dans les combats, si fertiles en butin, Indra protège-nous ; sois pour nous un auxiliaire terrible !

5. Dans les grandes comme dans les petites affaires, c’est Indra que nous invoquons ; Indra, qui s’unit à nous, et frappe nos ennemis de sa foudre.

6. Toi, qui es libéral et qui donnes l’abondance,

  1. Le char que l’on prépare pour un dieu, c’est le sacrifice.
  2. Moyennant ces trois épithètes, le commentateur, tout plein d’idées modernes, forme ici un syncrétisme d’Indra avec le soleil, le feu et le vent ; il l’identifie aussi avec les étoiles qui brillent au firmament. Je ne vois en cet endroit qu’une description poétique du ciel, personnifié dans Indra, et représenté au moment de l’aurore.
  3. Cette invocation s’appelle Swadhâ.
  4. Les Marouts sont les vents : nous verrons, par la suite, que ce nom se donne à une classe de prêtres.
  5. Je n’ai pu adopter le sens du commentaire.
  6. On donne ici au vent le même nom qu’au feu, Vahni. L’idée est sans doute différente.
  7. Nous allons tâcher d’expliquer cette image, qui doit se représenter souvent. D’abord le mot vache, dans le langage poétique, est tout ce qui procure un avantage ; cet avantage est le lait que l’on retire de cette vache. On donnera donc ce nom au sacrifice, à la prière, à la terre, au nuage, à la libation, aux rayons du soleil, etc. Ici la vache doit être le nuage, ou plutôt la lumière, le rayon. Au sein de la nuit, représentée comme une vaste caverne, sont renfermés les rayons, enlevés et gardés par les Asouras, enfants de Bala, et nommés Panis. Vrihaspati, autrement Agni, le feu du sacrifice, réclame ces vaches : une chienne divine, nommée Saramâ, et qui n’est que la voix de la prière (vâg dévî), est envoyée à la découverte. Indra, le dieu du ciel qui commence à s’éclairer, marche, avec les Marouts et les Angiras (c’est-à-dire les prêtres), à la délivrance de ces vaches, et il brise la caverne où elles sont renfermées. De tous ces détails on a composé une légende, dont nous venons d’indiquer quelques traits et qui peut avoir quelque rapport avec la fable de Cacus. Les vaches que j’appelle célestes me semblent être ici les rayons du soleil : dans d’autres passages, ce mot désignera les nuages qui répandent sur la terre l’eau, qui est pour elle une espèce de lait. Je me trompe fort, si cette explication ne doit pas être aussi celle de l’histoire de la vache Io chez les Grecs, laquelle est donnée en garde à Argus, le Sahasrâkcha (millioculus).
  8. Le soleil, suivant le commentateur.
  9. J’estime que le véritable sens doit être : dociles à la voix du prêtre qui les attelle par la prière ; littéralement, attelés par la parole.