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[Lect. III.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

le donna pour époux à sa fille, heureuse de ce choix.

10. Quand Soûryâ se rendit à la maison de son mari, la Prière[1] était son char. Le Feu du sacrifice lui sert de dais. Deux (coursiers) éclatants[2] le traînent.

11. Fournis par la Poésie et par le Chant[3] tes deux coursiers marchent d’accord. L’Ouïe forme tes deux roues, et ta voie se poursuit dans le ciel à travers le monde animé et inanimé.

12. Oui, les Oreilles sont les roues de ton char ; (le souffle appelé) Vyana[4] en est l’essieu. Soûryâ monte donc sur son char qui est la Prière même, et va vers son mari.

13. Le cortége nuptial, envoyé par Savitri, s’avance. Les coursiers se heurtent contre les Aghâs ; le char roule au milieu des deux Ardjounîs[5].

14. Ô Aswins, quand vous êtes venus sur votre char à trois roues demander (pour Soma) la main de Soûryâ, tous les dieux y ont applaudi, et Poûchan, fils du Ciel et de la Terre, a orné les deux grands parents.

15. Ô maîtres de la splendeur, quand vous êtes venus remplir pour Soûryâ votre fonction de commissaires, en quel lieu était la première de vos roues fortunées ? Où étiez-vous placés pour faire votre présent ?

16. Ô Soûryâ, les prêtres connaissent le moment où arrivent deux de tes roues :[6] ils savent aussi dans leur sagesse qu’il y a une troisième roue que reçoit le foyer (sacré).

17. J’adresse cet hommage à Soûryâ, aux Dieux, à Mitra et Varouna, qui veillent sur tous les êtres.

18. Enfants (du sacrifice), deux (astres) viennent tour à tour comme en se jouant, et parcourent (le ciel ; qu’ils ornent) de leurs rayons magiques. L’un d’eux a l’œil ouvert sur tous les mondes ; l’autre naît ensuite pour marquer les saisons.

19. L’un apparaît toujours nouveau, pour être l’étendard des Jours et le compagnon des Aurores. L’autre, Tchandramas, partage aux dieux la part qui leur revient (dans les holocaustes), et renouvelle sa longue existence.

20. Ô Soûryâ, monte sur ton char doré, (sur ce char) magnifique et rapide, garni d’excellentes roues, établi avec le Kimsouka et le Salmali[7]. Qu’il te transporte heureusement vers ton époux, au séjour de l’immortalité.

21. Lève-toi, ô Viswâvasou[8], que j’honore par mes prières et par mon culte. Une épouse est née pour toi. Cherche une autre femme parmi ces enfants que font éclore les Pères (du sacrifice). Ta naissance t’y réserve un lot que tu peux réclamer.

22. Lève-toi, ô Viswâvasou. Nous t’honorons en te chantant. Cherche une autre femme ; unis ensuite l’époux à son épouse.

23. Elles sont droites et dépourvues d’épines, les routes par lesquelles nos amis viennent solliciter (le beau-père). Qu’Aryaman, que Bhaga les conduise. Ô Dieux, que ce couple d’époux soit bien dirigé !

24. (Ô Soûryâ), je te délivre de ce lien de Varouna[9], dont t’a liée l’adorable Savitri. Sur le foyer de Rita, dans le monde du Sacrifice, pour ton bonheur je t’unis à un (nouvel) époux.

25. Je l’enlève à l’autorité paternelle, pour la remettre dans la dépendance d’un mari. Puisse-t-elle, ô bienfaisant Indra, être fortunée et avoir de nombreux enfants !

26. Que Poûchan te prenne par la main et t’emmène d’ici. Que les Aswins te portent sur leur char. Daigne aussi, digne du nom de Grihapatnî[10], visiter nos maisons, et réponds aux vœux de notre sacrifice.

27. Que ta famille croisse dans notre maison. Éveille-toi pour (Agni) Gârhapatya. Unis ton

  1. La prière appelée Manas. J’aurais peut-être dû dire le Manas, l’âme.
  2. Ce sont le soleil et la lune, suivant le commentaire. Mais n’est-ce pas le Rig et le Sâman cités dans la stance suivante ?
  3. Autrement par le Rig et le Sâman.
  4. Il y a cinq airs vitaux, aspirés ou exhalés par diverses voies ; ce sont l’apâna, l’oudâna, le prâna, le samâna et le vyâna.
  5. Le commentateur nous apprend que les Aghâs et les Ardjounîs sont des constellations, et qu’elles correspondent à celles qui ont été appelées depuis Maghâs et Phâlgounîs. Ce sont des étoiles appartenant au Lion.
  6. Dans les stances précédentes, le poëte donnait au char de Soûryâ deux roues qui étaient les deux oreilles. Ici il est question de ces trois roues que l’on donne au char des Aswins, c’est-à-dire des trois Savanas. Le commentateur veut que deux de ces roues soient le soleil et la lune ; ensuite il pense que les trois roues représentent le jour, le mois, l’année.
  7. Kimsouka (butea frondosa) ; Salmali (bombax heptaphyllum).
  8. Le commentateur dit que c’est un Gandharwa ; Vibhâvasou est aussi une épithète d’Agni, et par conséquent du Soleil, qui, sous ce nom de Gandharwa, devient un des époux de Soûryâ. Ce passage s’expliquera plus tard dans la stance 40.
  9. Voy. page 498, col 2, note 3. Varouna est un nom de Soma.
  10. Féminin du mot grihapati (maître de la maison). Agni, en cette qualité, allume le feu Gârhapatya.