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[Lect. V.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

crient de leurs bouches brillantes. Les pieux Mortiers, secondant la piété du sacrificateur, commencent par former pour lui un pur holocauste.

3. Ils parlent. Leur bouche reçoit le miel (de la libation). Ils s’agitent pour préparer la chair (du sacrifice). Taureaux superbes, ils mugissent en rongeant le bâton brillant qui remplit leur mâchoire.

4. Leur bouche a donc reçu le miel (de la libation) ; et, pressant le doux jus (de soma), ils appellent Indra à haute voix. Ils poursuivent leur œuvre avec sagesse ; et, dansant avec les (dix) frères[1], remplissent la terre de leurs accents.

5. Ils crient, tels que l’oiseau dans l’air ; ils sautent avec légèreté, tels que le noir (troupeau) dans le pâturage. Dans la coupe du (prêtre) qui l’attend, ils lancent une semence abondante, et pure comme le rayon du soleil.

6. Ils travaillent, tels que de vigoureux (coursiers) attelés au même char, tels que des bœufs traînant ensemble un même fardeau. Et quand leur bouche a cessé de mâcher, on entend leur souffle comme celui de chevaux haletants.

7. C’est un char qui a dix écuyers immortels, dix cercles, dix jougs, dix longes, dix guides, dix charges, dix coursiers. Honorez le char et les écuyers.

8. Ces rapides Mortiers sont agités par dix travailleurs. La liqueur qu’ils expriment remplit heureusement nos coupes, et de leur sein s’écoule le lait précieux qui forme la libation de soma.

9. Ces Mortiers attirent les coursiers d’Indra, avides de soma. La liqueur extraite de leur sein est déposée sur la (peau de) vache. Indra, empressé de boire le miel du sacrifice, croît, s’étend, s’agite comme taureau.

10. Ô Mortiers, par vous Soma verse son onde (dans le sacrifice). Remplis de sa liqueur, vous êtes respectés ; on recherche toujours votre trésor. (Comme ces riches entourés) de l’éclat de leur opulence, vous êtes entourés de la sainte splendeur de celui dont vous aimez les cérémonies.

11. Mortiers, terribles (pour les autres) et bons (pour nous), vous ne connaissez ni la fatigue, ni la douleur, ni la mort. Vous êtes étrangers à la peine et à la maladie. Forts et pressés de vous épancher, vous n’éprouvez ni l’épuisement ni la soif.

12. Ainsi vos pères, d’âge en âge, heureux en leurs désirs, restent toujours fermes sur leur base. Solides et constamment attachés à Soma, ils remplissent de leurs sous le ciel et la terre.

13. C’est ainsi que les Mortiers font entendre leurs clameurs, pareils à des écuyers qui lancent avec bruit leurs chars dans la carrière. Purifiant le soma, ils le répandent comme le laboureur (jette) la semence. Leurs bouches ne le détruisent pas.

14. Ils ont, au moment de la libation, élevé leurs cris, tels que des (enfants) qui en jouant poussent leur mère. Fais donc résonner la voix du sacrificateur. Et, en même temps, que les Mortiers retentissent pour honorer (le sacrifice).





LECTURE CINQUIÈME.
HYMNE I.
Dialogue de Pourouravas et d’Ourvasi[2]. — Richi : Pourouravas.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. (Pouroûravas parle.) Ô femme terrible et légère comme un coursier, arrête-toi à ma prière. Engageons une conversation. Que cet entretien, prolongé pendant le jour, nous soit propice !

2. (Ourvasî parle.) Comment obtempérer à ta parole ? J’ai paru comme la première des Aurores. Ô Pouroûravas, rentre dans ta demeure. Je suis telle que le vent, difficile à retenir.

3. (Pouroûravas parle.) La flèche n’est pas faite pour orner le carquois, mais pour être lancée. Elle n’est pas faite seulement pour être légère, elle sait conquérir des trésors et des vaches. Elle ne saurait briller que dans une œuvre héroïque. Ce n’est pas un (vain) son que produisent les Marouts dans l’air[3].

  1. Le texte dit : sœurs, parce que le mot angouli (doigt) est du féminin.
  2. Pouroûravas est dans l’ancienne histoire de l’Inde le deuxième roi de la dynastie lunaire ; il a pour épouse la nymphe Ourvasî. (Voyez Vichnou Pourâna, page 394.) Cet hymne nous prouve que toute cette histoire a pour fondement des allégories sacerdotales. Ourvasî, comme nous l’avons déjà vu, page 283, col. 1, est la Libation personnifiée, épousant le maître du sacrifice, sinon le Sacrifice lui même, appelé Pouroûravas (valde sonorus).
  3. Le mot que je traduis par air est ourou. C’est le même mot qui entre dans la composition du nom d’Ourvasî. Cependant quelques étymologistes aiment mieux l’expliquer avec le sens de cuisse, et font naître Ourvasî d’une fleur placée sur la cuisse (oûrou) de Nârâyana.