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[Lect. V.]
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RIG-VÉDA. — SECTION HUITIÈME.

4. (Pouroûravas s’adresse à l’Aurore.) Ô Aurore, si (Ourvasî), pour prix des biens qu’elle accorde à son beau-père, désire les mets de l’offrande, qu’elle s’approche, sûre de trouver une maison où ses vœux seront comblés, où elle sera nuit et jour (heureusement) tourmentée par le Vétasa[1].

5. (Ourvasî parle.) Oui, trois fois par jour tu m’as (heureusement) tourmentée avec le Vétasa. Seule parmi mes compagnes, je suis l’objet de ton amour. Ô Pouroûravas, je t’ai suivi dans ta maison. (Noble) héros, tu es mon roi, (le roi) de mon corps.

6. (Pouroûravas parle.) Dans sa marche légère, elle se pare de guirlandes ; elle réunit en elle les qualités de Soudjoûrnî, de Sréni, de Soumna âpi, de Hradétchakchous[2], qui sont autour d’elle comme de brillants ornements, qui accourent telles que des vaches fécondes.

7. (Ourvasî parle.) Le (Sacrifice)[3] naît, et les épouses (des Dieux) ont pris leur siége. Les Ondes (saintes) sont venues accroître sa splendeur. Ô Pouroûravas, par toi les Dieux ont grandi pour le redoutable combat et pour la mort du Dasyou.

8. (Pouroûravas parle.) L’enfant de Manou s’unit à ces Déesses qui dépouillent pour lui leur forme (divine). Et, telles que Bhoudjyou, amie de Tarasa[4], telles que des cavales attelées à un char, elles ont fui loin de moi.

9. (Ourvasî parle.) Quand un mortel, amant de ces immortelles, s’unit à elles par la parole et par les œuvres, elles étalent leurs formes brillantes, légères comme les oiseaux, folâtres comme de fringantes cavales.

10. (Pouroûravas parle.) Telle que l’éclair qui vient et brille, tu m’apportes les trésors de l’air. Qu’un fils[5] naisse (de nous), actif, généreux, bon pour les hommes. Prolongez la vie d’Ourvasî.

11. (Ourvasî parle.) Ô Pouroûravas, tu es né pour la défense d’une Vache (divine)[6]. C’est de toi que je tiens ma force. Ma sagesse t’a chaque jour donné des avis : tu ne m’as pas écoutée. Que peux-tu dire en me perdant ?

12. (Pouroûravas parle.) Depuis quand empêche-t-on le fils, qui aime son père, de crier, de pleurer en le voyant (partir) ? Qui peut séparer deux époux bien unis, lorsque Agni brille aux yeux de leurs beaux-pères ?

13. (Ourvasî parle.) Je veux te répondre. (Ce fils dont tu parles) peut pleurer ; il peut crier. Cependant on ne crie pas pour une douleur qui donne le bonheur. Je t’enverrai (l’enfant) que je porte en mon sein. Retourne dans ta maison. Insensé, tu ne peux me conserver.

14. (Pouroûravas parle.) Ainsi, que le serviteur des Dieux tombe sans mouvement en voulant s’élever. Qu’il se trouve à la discrétion de Nirriti. Que les loups acharnés le dévorent.

15. (Ourvasî parle.) Ô Pouroûravas, ne meurs pas. Garde-toi de tomber, et de te livrer à la dent des loups. Les femmes, qui aiment, n’ont point des cœurs de chacals.

16. J’ai habité parmi les mortels durant quatre nuits d’automne[7], alors que les objets changent de forme. Chaque jour je n’ai pris qu’une goutte de ghrita. Je m’en vais satisfaite.

17. (Pouroûravas parle.) Tel que Vasichtha[8], je suis soumis à Ourvasî qui remplit l’air et donne la pluie. Que les dons de ma piété te plaisent. Reviens ; mon cœur brûle pour toi.

18. (Ourvasî parle.) Ô fils d’Ilâ, voici ce que les Dieux te disent : « Tel que tu es, tu te trouves soumis à la mort. Que ton enfant honore par l’holocauste la race divine. Et toi, viens au ciel te livrer aux plaisirs. »

  1. Le texte porte Vétasa, qui peut vouloir dire issu de Vétasa. Or nous avons pensé (p. 263, col. 2, note 8) que Vétasa était un nom d’Agni. L’enfant de Vétasa serait-il donc ici la flamme qui agite et tourmente la libation, en s’unissant à elle ? Le commentaire donne à ce mot un sens ou singulier ou licencieux, et traduit par danda ou sépa. Ne serait-ce pas aussi bien le pilon du mortier, ou quelque autre instrument du sacrifice ? Par exemple, Vétasa étant une espèce de roseau (calamus rotang), Vétasa pourrait être un bâton pour attiser le feu, ou pour tourner la libation.
  2. Ces quatre nymphes peuvent représenter la Vitesse, la Force du nombre, la Félicité, l’Amabilité du regard. Ourvasî (Vichnou-Pourâna, page 395) s’amuse avec quatre nymphes.
  3. Le commentaire dit que c’est Pouroûravas.
  4. On raconte que Tarasa était un Mriga, en faveur duquel Bhoudjyou se changea en Mrigi, et dont elle s’éloigna, effrayée par le chasseur.
  5. Ce fils me semble devoir être le feu du sacrifice.
  6. Le commentaire croit que c’est la terre. Je suppose que c’est plutôt la flamme du sacrifice. Dans les Pourânas, ce sont deux béliers qui sont confiés à la garde de Pouroûravas.
  7. Il est possible que ce mot automne (sarad) soit synonyme de libation, comme nous l’avons vu ailleurs.
  8. Le lecteur se souvient que Vasichta est une forme d’Agni.