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[Lect. I.]
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RIG-VÉDA. — SECTION PREMIÈRE.

20. Les pères de famille[1] éclairés examinent constamment la haute station de Vichnou ; leur œil est toujours comme tendu vers le ciel.

21. Et cette haute station de Vichnou, les prêtres vigilants la célèbrent par leurs hymnes et les feux du sacrifice.


HYMNE IV.

À divers dieux, par Médhatithi.

(Mètre : Gâyatrî. ― Pouras : Ouchnih et Anouchtoubh.)

1. Les voilà préparées, ces abondantes libations qu’accompagnent nos prières ; nous te les présentons, Vâyou[2] ; viens, et bois.

2. Nous invitons à goûter notre soma Indra et Vâyou, ces deux divinités habitantes du ciel.

3. Les sages invoquent le secours d’Indra et de Vâyou, aussi rapides que la pensée, doués de mille yeux[3], et maîtres de la prière.

4. Nous appelons à nos libations Mitra et Varouna, qui, de leur essence, sont forts et purs.

5. J’invoque, en allumant le feu du sacrifice, Mitra et Varouna, ces maîtres de la pure lumière, dont nos offrandes augmentent la grandeur.

6. Que Mitra soit notre sauveur ; que Varouna nous prodigue ses secours ! que tous deux nous rendent opulents !

7. Nous appelons à partager notre soma Indra escorté des Marouts : qu’avec ses compagnons il se réjouisse (de nos libations) !

8. Ô Marouts, qui avez Indra pour chef, et vous dieux, qui distribuez les biens de Poûchan[4], écoutez tous mon invocation.

9. (Divinités) libérales, robustes auxiliaires d’Indra, donnez la mort à Vritra : que le méchant ne règne pas sur nous !

10. Nous convions tous les dieux à nos libations ; (nous y appelons) les Marouts, ces terribles fils de Prisni[5].

11. Ô mortels, quand vous vous réunissez à la fête du sacrifice, (entendez-vous) le bruit des Marouts ? c’est comme une marche triomphante.

12. Nés de tous les côtés dans les régions de l’air splendides et riantes, que les Marouts nous protègent et nous conservent !

13. (Accepte), ô brillant Poûchan, ces libations que nous t’offrons sur ce magnifique lit de cousa ; et du ciel, viens (vers nous avec l’amour du pasteur qui retrouve sa brebis perdue).

14. Poûchan, d’un rayon lumineux, sait toujours percer la retraite mystérieuse où, sur une couche magnifique de gazon, siège le roi (des sacrifices).

15. Que ce dieu, satisfait de mes libations, fasse accomplir leur carrière aux six (coursiers) qu’il attelle[6], comme (le laboureur) avec ses bœufs (trace le sillon où il) sème son orge.

16. (Cependant les Eaux), mères des êtres et amies des hommes pieux[7], viennent suivant leurs voies, et distribuant leur lait aussi doux que le miel.

17. Soit qu’elles précèdent la naissance du soleil, ou bien qu’elles l’accompagnent (dans le ciel), puissent ces Eaux aimer notre sacrifice !

18. J’invoque ces Eaux divines qui désaltèrent nos vaches ; qu’un holocauste soit fait en l’honneur des ondes.

19. Dans les Eaux se trouve l’ambroisie (pour les dieux) ; dans les Eaux est la santé (pour les hommes). Dévas[8], présentez les mets sacrés en bénissant les Eaux.

  1. Autant qu’il me sera possible, je verrai, dans le mot Soûri, le maître de maison, le père de famille. Il doit être distingué du prêtre qui accomplit le sacrifice, dont l’autre a fait les frais.
  2. Vâyou, c’est le vent considéré comme le dieu de l’air.
  3. Ces mille yeux représentent l’extrême vigilance de ces dieux ; ou bien, comme l’éther et l’air semblent être le séjour des étoiles, ces yeux rappellent les astres innombrables qui tapissent la voûte céleste. On ne connaissait pas, à cette époque, la légende obscène racontée dans le Râmâyana sur l’origine de l’épithète Sahasrâkcha donnée à Indra.
  4. Nom du Soleil.
  5. Prisni est un nom donné à la Terre considérée comme une divinité ; c’est, en certains cas, un synonyme d’Aditi. Suivant les Indiens, les vents viennent de la terre, et par conséquent ils en sont comme les enfants. Le mot Prisni, au masculin, est un nom du Soleil. Je pense que Prisni, mère des vents, c’est plutôt le nuage, ou l’air chargé de nuages.
  6. Ce sont les six saisons, qu’on nomme Rilous. Les noms des six Rilous sont : le Vâsanta et le Grêchma, le Vârchica et le Sârada, l’Hêmantica et le Sêsira. En les accouplant ainsi deux par deux, on peut n’en compter que trois.
  7. Le commentaire entend ces mots des femmes qui assistent le père de famille dans les soins qu’il prend pour le sacrifice.
  8. Le mot déva signifie brillant, et ne répond pas au sens métaphysique que possède notre mot Dieu, lequel n’est pas traduit en sanscrit. Ce mot déva a plusieurs acceptions. Il s’emploie pour désigner les diverses personnifications de la substance divine se manifestant dans les éléments : en pareil cas je le traduis, avec regret, par dieu. Il se dit aussi pour distinguer les personnages remarquables dans l’ordre religieux ou dans l’ordre civil ; alors je le traduirai par déva, auquel j’ajouterai quelquefois l’épithète de mortel, lorsqu’il y aura opposition entre les dévas-dieux et les dévas-hommes. Le mot amrita (immortel) s’emploie également avec ces deux significations. Mais vous noterez que bien souvent le poëte donne le nom de Dévas à ces personnifications de cérémonies et de rites, qu’il fait agir comme des êtres réels et divins.