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[Lect. I.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

20. Dans les Eaux, m’a dit Soma[1], sont tous les remèdes. Agni fait le bonheur de tous, et les Eaux guérissent tous les maux.

21. Eaux salutaires, protégez mon corps contre les maladies ! Que je puisse longtemps voir le soleil !

22. Eaux purifiantes, emportez tout ce qui peut être en moi de criminel, tout le mal que j’ai pu faire par violence, par imprécation[2],par injustice.

23. En ce jour, j’ai honoré les Eaux ; nous nous sommes présentés avec (des coupes remplies de) ce précieux élément. Agni, toi qui aimes les libations, viens, et couvre-moi de ton éclat.

24. Agni, donne-moi de l’éclat, de la famille, de longs jours ! Que les dieux, qu’Indra et les (saints) Richis se souviennent de moi !


HYMNE V.

À divers dieux, par Sounahsépa.

(Mètres : Trichtoubh et Gâyatrî.)

1. Parmi les dieux immortels, quel est celui dont nous prononcerons d’abord le nom vénérable ? Quel est celui qui doit nous rendre à la grande Aditi[3], et me faire revoir et le père et la mère (du monde) ?

2. Avant celui des autres immortels, nous prononcerons le nom vénérable d’Agni. C’est lui qui doit nous rendre à la grande Aditi, et me faire revoir le père et la mère (du monde).

3. Nous t’invoquons (ensuite), divin Savitri[4], maître de l’opulence ; toi qui nous aides sans relâche, accorde-nous la richesse.

4. Cette (richesse) recherchée, estimée, qu’on blâme quand on ne l’a pas, qu’on cesse de haïr (quand on la possède), tu la tiens dans tes mains.

5. Puissions-nous, par ta protection, (par la faveur d’un dieu) possesseur de la richesse, acquérir un commencement de prospérité qui fonde notre bonheur !

6. Ni ces oiseaux qui volent dans les airs, ni ces ondes qui coulent sans cesse, ni les vents conjurés, ne peuvent égaler ta force, ta rapidité, ta véhémence.

7. (Dans le ciel, arbre majestueux) sans racines (ici[[]]-bas), règne Varouna[5] fort et pur, trésor élevé de rayons lumineux. Ces rayons descendent ; mais leurs racines sont en haut. Puissent-ils briller pour nous au milieu des airs !

8. C’est lui, c’est le royal Varouna qui prépara au soleil[6] cette large voie où il poursuit sa carrière ; qui, dans une région dépourvue de route, en fit une pour (l’astre) voyageur. Qu’il nous défende contre (l’ennemi) qui nous perce le cœur !

9. Puissant (Varouna), tu possèdes contre nos maux cent et mille remèdes. Que ta faveur soit grande, soit étendue ! Retiens loin de nous Nirriti[7] enchaînée ; détourne sa face (cruelle), et préviens le crime préparé contre nous.

10. Ces étoiles qui brillent au-dessus de nos têtes apparaissent la nuit, et avec le jour elles se retirent ; la lune aussi vient la nuit étaler ses splendeurs. L’œuvre de Varouna n’est jamais interrompue.

  1. Soma est la libation personnifiée. Ces eaux dont il est ici question se prennent quelquefois pour les différentes espèces de libations, et je pense que toutes ces invocations s’adressent aux Eaux considérées dans le sacrifice. Ainsi, au vers 17, lorsque le poëte parle des Eaux qui précèdent la naissance du Soleil (Oupasoûryé), et de celles qui l’accompagnent, il me semble qu’il désigne les libations du matin et celles de la journée. Au vers 18, les vaches désaltérées par ces Eaux, ce sont les rayons d’Agni. Dans le vers présent, il cite Soma et Agni, agents du sacrifice.
  2. L’imprécation, dans l’opinion des Indiens, est une arme terrible qui doit toujours produire son effet, même lorsqu’elle est injuste.
  3. Le mot Aditi qui se trouve dans ce vers est le nom de la déesse qui représente la nature entière, et quelquefois seulement la terre. De là on a imaginé que l’auteur de cet hymne, Sounahsépa, fils d’Adjîgaria, l’avait récité au moment où il allait être immolé aux dieux. Etre rendu à la grande Aditi pour revoir son père et sa mère, c’était être rendu à la terre pour aller dans un autre monde retrouver ses parents ; ces mots étaient en même temps un témoignage rendu à l’immortalité de l’âme. Je n’ai pas cru devoir adopter une traduction qui ne me paraît pas en harmonie avec l’ensemble de l’hymne. Le sacrifice se fait le matin, et le but de ce sacrifice, c’est d’amener heureusement le jour : l’auteur du jour, c’est le Soleil, qui révèle le ciel et la terre, appelés père et mère. Voilà ce que le poëte désire de revoir, et, à peine remis des anxiétés que donne la nuit, il demande une pleine jouissance de la nature ; c’est ce que signifie le mot Aditi, lequel se retrouve dans ce sens au dernier vers de cet hymne. On a encore voulu trouver dans ce vers le désir de Sounahsépa de recouvrer sa liberté et de revoir sa famille. J’ai aussi rejeté ce sens ; je me suis attaché à celui qui semblait ressortir de la composition tout entière. Je crois donc que être rendu à la grande Aditi, c’est rentrer en possession complète des biens que nous présente la nature au lever du soleil. Agni, qui préside au sacrifice, est le dieu qui rend ce service aux hommes.
  4. Nom du Soleil.
  5. Autre nom du Soleil.
  6. Il faut bien remarquer que l’auteur distingue le Soleil de Varouna, qui en est l’âme et le directeur.
  7. Nirriti est la divinité du mal. Pâpa dévatâ.