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[Lect. I.]
INDE.— POÉSIE LYRIQUE.

14. Nul dans le monde n’oserait affronter ce dieu ; nul parmi ceux qui ont l’habitude du mal, de l’injure, du crime.

15. C’est lui qui prépare cette nourriture abondante, soutien de notre vie mortelle.

16. Après ce dieu qui éclaire le monde, ma prière soupire, comme la vache après son étable.

17. S’il est vrai que mes libations te soient agréables, s’il est vrai que, comme sacrificateur[1], tu consommes notre offrande avec plaisir, nous voulons encore nous adresser à toi.

18. Et en effet j’ai vu (ce dieu) visible pour tous ; j’ai vu son char sur la terre ; (Varouna) exauce nos prières.

19. Ô Varouna, écoute aujourd’hui mon invocation ; sois-nous favorable ! J’implore ton secours.

20. (Dieu) sage, tu brilles partout, au ciel et sur la terre. Écoute et sauve-nous.

21. Délie les chaînes qui nous serrent d’en haut, d’en bas et du milieu[2]. Fais que nous vivions.


HYMNE VII.

À Agni, par Sounahsépa.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Dieu vénérable, (dieu) maître des mets consacrés, revêts ta robe (resplendissante), et accomplis notre sacrifice.

2. Viens, Agni, toi notre sacrificateur, toujours jeune, digne entre tous d’être l’objet de nos pensées, et de nos hymnes les plus brillants.

3. Sois pour nous généreux et bon, comme un père pour son fils, un parent pour son parent, un ami pour son ami.

4. Sur ce lit de cousa préparé par nous, que Varouna, Mitra, Aryaman, viennent s’asseoir ; rivaux terribles pour leurs ennemis, qu’ils soient pour nous comme un homme[3] (vis-à-vis d’un autre homme).

5. Premier des sacrificateurs, daigne te complaire en notre amitié ; écoute nos chants avec bonté.

6. Quel que soit le dieu que nous honorions avec notre sacrifice perpétuel, toujours à toi s’adresse l’holocauste.

7. Sois toujours le maître chéri des pauvres mortels, le sacrificateur satisfait de nos hommages, l’élu de notre cœur. Amis d’Agni, nous nous plaçons sous ses auspices.

8. Sous les auspices d’Agni, les Dévas présentent les mets choisis pour le sacrifice ; sous les auspices d’Agni, nous poursuivons nos adorations.

9. Ainsi, dieux et mortels, unissons-nous pour accomplir de concert cette œuvre de bénédiction.

10. Ô Agni, fils de la force[4], avec tous les feux[5], reçois ce sacrifice, ces prières et ces mets consacrés.


HYMNE VIII.

À Agni, à tous les dieux, par Sounahsépa.

(Mètres : Gâyatrî et Trichtoubh.)

1. Nous adressons nos hommages à Agni, roi des sacrifices, (Agni qui nous apparaît) tel qu’un coursier orné d’une longue queue[6].

2. Qu’il nous soit favorable, ce fils de la force, dont les pas s’étendent au loin ; qu’il répande ses biens sur nous !

3. De loin, de près, que ce (dieu), qui est partout, nous protège toujours contre le mortel méchant.

4. Agni, annonce aux dieux le sacrifice nouveau que nous leur offrons, accompagné de nos hymnes.

5. Fais-nous part des trésors d’abondance que fournissent la région supérieure, la région du milieu, et celle qui est près de nous[7].

6. Dieu resplendissant, tu puises comme à la source intarissable d’un fleuve, pour répandre tes faveurs sur ton serviteur.

7. Le mortel que tu protèges dans les combats,

  1. Varouna est une forme d’Agni ; le vers 10 le représente au sein des demeures humaines, où il est le dieu sacrificateur.
  2. Voy. la note 3, 1re col. pag. 15.
  3. On pourrait aussi traduire : qu’ils viennent s’asseoir sur notre cousa comme sur celui de Manou.
  4. Agni est appelé fils de la Force, parce que c’est par la violence du mouvement qu’on l’extrait de l’aranî. Voy. not. 2, 1re col. pag. 7. Cependant cette expression est employée pour d’autres personnages qu’Agni, et je pense qu’il ne faudrait y voir qu’une manière de représenter la force au superlatif : enfant de la Force serait synonyme de très-fort, très-robuste.
  5. Voy., pour la distinction des feux, not. 4, p. 7, 1re col.
  6. Cette image bizarre s’explique par l’apparence même de la flamme. Le commentateur dit quelque chose de plus : il ajoute que le feu, par l’influence de ses flammes, détruit les ennemis du dévot, comme le cheval, par le mouvement de sa queue, donne la mort aux mouches qui le piquent.
  7. On pourrait modifier cette traduction, si l’on suivait l’idée énoncée plus haut, note 3, sur la distinction des trois offrandes. Il est possible aussi que ces trois genres d’offrandes placées dans le vase du sacrifice aient un rapport symbolique avec l’éther, l’air et la terre.