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Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/134

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cute, il serait pourtant à souhaiter que ceux qui se livrent aux travaux spéciaux eussent l’idée de l’ensemble qui, seul, donne du prix à leurs recherches. Si tant de laborieux travailleurs auxquels la science moderne doit ses progrès eussent eu l’intelligence philosophique de ce qu’ils faisaient, que de moments précieux ménagés !… On regrette vivement cette immense déperdition de forces humaines, qui a lieu par l’absence de direction et faute d’une conscience claire du but à atteindre[1]. »

Le dilettantisme est incompatible avec une certaine élévation de pensée et avec un certain degré de « perfection morale », mais non pas avec le mérite technique. Quelques critiques, et des plus accomplis, sont de simples praticiens, et n’ont jamais réfléchi aux fins de l’art qu’ils exercent. — On aurait tort d’en conclure, cependant, que le dilettantisme n’est pas, pour la science elle-même, un danger. Les érudits dilettantes, qui travaillent au gré de leur fantaisie et de leur « curiosité », attirés plutôt par la difficulté des problèmes que par leur importance intrinsèque, ne fournissent pas aux historiens (c’est-à-dire aux travailleurs dont l’office est de combiner et de mettre en œuvre en vue des fins suprêmes de l’histoire) les matériaux dont ceux-ci ont le plus pressant besoin : ils leur en fournissent d’autres. Si l’activité des spécialistes de la critique externe s’appliquait exclusivement aux questions dont la solution importe, si elle était disciplinée et dirigée d’en haut, elle serait plus féconde.

L’idée de parer aux périls du dilettantisme par une

  1. E. Renan, o. c., p. 122, 243. — La même pensée a été plus d’une fois exprimée, en d’autres termes, par E. Lavisse, dans ses allocutions aux étudiants de Paris (Questions d’enseignement national, p. 14, 86, etc.).