Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/136

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modifier, à cet égard, les dispositions naturelles. « Ce bon monsieur Du Cange », comme disaient les Bénédictins, était modeste jusqu’à l’excès : « Il ne faut, disait-il en parlant de ses travaux, que des yeux et des doigts pour en faire autant et plus » ; il ne blâmait jamais personne, par principe : « Si j’étudie, c’est pour le plaisir de l’étude, et non pour faire peine à autrui, non plus qu’à moi-même[1] ». Il est certain, cependant, que la plupart des érudits se signalent en public leurs moindres lapsus sans ménagements, parfois d’un ton rogue et dur, et font preuve d’un zèle amer. Mais, amertume et dureté à part, ils n’ont pas tort d’agir ainsi. C’est parce qu’ils ont — comme les « savants » proprement dits, physiciens, chimistes, etc. — un vif sentiment de la vérité scientifique qu’ils ont l’habitude de dénoncer les atteintes à la méthode. Et ils parviennent de la sorte à défendre l’accès de leur profession aux incapables et aux faiseurs, qui naguère y foisonnaient.

Parmi les jeunes gens qui se destinent aux études historiques, quelques-uns, animés d’un esprit plus commercial que scientifique, grossièrement désireux de succès positifs, se disent in petto : « L’œuvre historique suppose, pour être faite conformément aux règles de la méthode, des précautions et des labeurs infinis. Mais est-ce que l’on ne voit pas paraître des œuvres historiques dont les auteurs ont péché plus ou moins gravement contre les règles ? Ces auteurs n’en sont-ils pas moins estimés ? Est-ce que ce sont toujours les plus consciencieux qui inspirent le plus de considération ? Le savoir-faire ne peut-il pas suppléer au savoir ? » Si le savoir-faire pouvait, en effet, suppléer

  1. L. Feugère, o. c., p. 55, 58.