Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/138

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domaine des études d’érudition, sinon de faire illusion, au moins de faire illusion longtemps. Désormais, dans les sciences historiques comme dans les sciences proprement dites, aucune erreur ne se fonde, aucune vérité ne se perd. Quelques mois, quelques années peuvent s’écouler, à la rigueur, avant qu’une expérience de chimie mal faite ou une édition bâclée soient reconnues pour telles, mais les résultats inexacts, provisoirement acceptés sous bénéfice d’inventaire, sont toujours, tôt ou tard, aperçus, dénoncés, éliminés, et généralement très vite. La théorie des opérations de critique externe est si bien établie, le nombre des spécialistes qui en sont pénétrés est si grand dans tous les pays, qu’il est très rare, maintenant, qu’un catalogue descriptif de documents, une édition, un regeste, une monographie, ne soient pas tout de suite scrutés, disséqués, et jugés. Que l’on en soit bien averti : il serait très imprudent, désormais, de se risquer à publier un travail d’érudition sans avoir pris toutes ses mesures pour qu’il soit inattaquable, car il serait aussitôt, ou, dans tous les cas, à brève échéance, attaqué et démoli. Des naïfs, qui l’ignorent, s’aventurent encore, de temps en temps, sans préparation suffisante, sur le terrain de la critique externe, pleins de bonnes intentions, désireux de « rendre des services », et convaincus apparemment que l’on peut procéder là, comme ailleurs (sur le terrain politique, par exemple), à vue de nez, par approximation, « sans connaissances spéciales » ; ils ont à s’en repentir. Les malins ne s’y risquent pas : les travaux d’érudition, d’ailleurs pénibles et médiocrement glorieux, ne leur disent rien qui vaille ; ils savent trop bien que des spécialistes habiles, en général peu bienveillants pour les intrus, se les réservent ; ils se rendent compte que,