Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/139

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de ce côté, il n’y a plus rien à faire pour eux. L’honnête et rude intransigeance des érudits les préserve ainsi des contacts désagréables que les « historiens » proprement dits ont encore, quelquefois, à subir.

En effet, les mauvais travailleurs, à la recherche d’un public qui contrôle de moins près que le public des érudits, se réfugient volontiers dans l’exposition historique. Là, les règles de la méthode sont moins évidentes, ou, pour mieux dire, moins connues. Tandis que la critique des textes et la critique des sources sont réduites en forme scientifique, les opérations synthétiques, en histoire, se font encore au hasard. La confusion d’esprit, l’ignorance, la négligence, qui s’accusent si nettement dans les œuvres d’érudition, sont, jusqu’à un certain point, masquées de littérature dans les ouvrages d’histoire, et le grand public, dont l’éducation est mal faite en ces matières, n’en est pas choqué[1]. Bref, il y a encore, sur ce terrain, de bonnes chances d’impunité. — Cependant, elles diminuent : un jour, qui n’est pas très éloigné, viendra où les esprits superficiels qui synthétisent incorrectement seront aussi peu considérés que le seraient dès maintenant des techniciens de la critique préparatoire sans conscience ou sans adresse. Les ouvrages des plus célèbres historiens du xixe siècle, morts d’hier, Augustin Thierry, Ranke, Fustel de Coulanges, Taine, etc., ne sont-ils pas déjà tout rongés, et comme percés à jour par la critique ? Les défauts de leurs méthodes sont déjà vus, définis, condamnés.

  1. Les spécialistes de la critique externe eux-mêmes, si clairvoyants quand il s’agit de travaux d’érudition, se laissent éblouir presque aussi aisément que d’autres, lorsqu’ils ne font pas profession de dédaigner a priori toute synthèse, par les synthèses incorrectes, par les apparences d’« idées générales », et par les artifices littéraires.