Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/142

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ment ce qui peut être accepté comme vrai. Or le document n’est que le résultat dernier d’une longue série d’opérations dont l’auteur ne nous fait pas connaître le détail. Observer ou recueillir les faits, concevoir les phrases, écrire les mots, toutes ces opérations, distinctes les unes des autres, peuvent n’avoir pas été faites avec la même correction. Il faut donc analyser le produit de ce travail de l’auteur pour distinguer quelles opérations ont été incorrectes, afin de n’en pas accepter les résultats. Ainsi l’analyse est nécessaire à la critique, toute critique commence par une analyse.

Pour être logiquement complète l’analyse devrait reconstituer toutes les opérations que l’auteur a dû faire et les examiner une à une, afin de chercher si chacune a été faite correctement. Il faudrait repasser par tous les actes successifs qui ont produit le document, depuis le moment où l’auteur a vu le fait qui est l’objet du document jusqu’au mouvement de sa main qui a tracé les lettres du document ; ou plutôt il faudrait remonter en sens inverse, échelon par échelon, depuis le mouvement de la main jusqu’à l’observation. Cette méthode serait si longue et si fastidieuse que personne n’aurait le temps ni la patience de l’appliquer.

La critique interne n’est pas, comme la critique externe, un instrument qu’on puisse manier pour le plaisir de le manier[1] ; elle ne procure aucune jouissance directe, parce qu’elle ne résout définitivement aucun problème. On ne la pratique que par nécessité et on cherche à la réduire au strict minimum. L’historien le plus exigeant s’en tient à une méthode abrégée qui concentre toutes les opérations en deux groupes : 1o l’analyse du contenu du document et la critique

  1. Cf. ci-dessus, p. 99.