Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/150

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ment la critique d’interprétation à une centaine de mots pour renouveler l’étude des temps mérovingiens.

IV. Après avoir analysé le document et déterminé le sens littéral des phrases, on n’est pas certain encore d’avoir atteint la véritable pensée de l’auteur. Il se peut qu’il ait pris quelques expressions dans un sens détourné ; cela arrive, pour plusieurs motifs très différents : l’allégorie ou le symbole, — la plaisanterie ou la mystification, — l’allusion ou le sous-entendu, — même la simple figure de langage (métaphore, hyperbole, litote)[1]. Dans tous ces cas il faut, à travers le sens littéral, percer jusqu’au sens réel que l’auteur a dissimulé volontairement sous une forme inexacte.

La question est logiquement très embarrassante : il n’existe pas de criterium extérieur fixe pour reconnaître sûrement un sens détourné ; l’essence même de la mystification, devenue au xixe siècle un genre littéraire, est d’effacer tous les indices qui dénonceraient la plaisanterie. Dans la pratique on est moralement certain qu’un auteur n’emploie pas le sens détourné quand il tient surtout à être compris ; on court donc peu de risque de le rencontrer dans les documents officiels, les chartes et les récits historiques. Dans tous ces cas la forme générale du document permet de présumer qu’il est écrit au sens littéral.

On doit au contraire s’attendre à des sens détournés

    entravée par un respect pour les affirmations des anciens qui allait jusqu’à la crédulité.

  1. Une difficulté parallèle se présente dans l’interprétation des monuments figurés ; les représentations ne doivent pas toutes être prises « à la lettre ». Darius, dans le monument de Behistoun, foule aux pieds les chefs vaincus : c’est une métaphore. Les miniatures du moyen âge montrent des personnages couchés dans leur lit, une couronne sur la tête : c’est le symbole de leur rang royal, le peintre n’a pas voulu dire qu’ils gardaient leur couronne pour dormir.