Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/167

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mules de politesse. Les affirmations qu’elles contiennent sont si suspectes qu’on n’en peut tirer aucun renseignement sur les faits affirmés. Nous le savons tous pour les formules contemporaines que nous voyons employées chaque jour, nous l’oublions souvent dans la critique des documents, surtout pour les époques où les documents sont rares. Personne ne songerait à chercher les vrais sentiments d’un homme dans les assurances de respect qu’il écrit à la fin de ses lettres. Mais on a longtemps cru à l’humilité de certains dignitaires ecclésiastiques du moyen âge parce que, le jour de leur élection, ils commençaient par repousser une fonction dont ils se déclaraient indignes, jusqu’à ce qu’enfin on s’est avisé par comparaison que ce refus était une simple forme de convenance. Et il se trouve encore des érudits pour chercher, comme les Bénédictins du xviiie siècle, dans les formules de la chancellerie d’un prince, des renseignements sur sa piété ou sa libéralité[1].

Pour reconnaître ces affirmations de convenance il faut deux études d’ensemble : l’une porte sur l’auteur pour savoir à quel public il s’adressait, car dans un même pays il y a d’ordinaire plusieurs publics superposés ou juxtaposés qui ont chacun son code de morale ou de convenance ; l’autre porte sur le public pour établir en quoi consistait sa morale ou sa mode.

  1. Fustel de Coulanges lui-même s’est laissé aller à chercher dans les formules des inscriptions en l’honneur des empereurs la preuve que les populations aimaient le régime impérial. « Qu’on lise les inscriptions, le sentiment qu’elles manifestent est toujours celui de l’intérêt satisfait et reconnaissant… Voyez le recueil d’Orelli. Les expressions qu’on y rencontre le plus fréquemment sont… » — Et l’énumération des titres de respect donnés aux empereurs se termine par cet aphorisme déconcertant : « Ce serait mal connaître la nature humaine que de croire qu’il n’y eût en tout cela que de l’adulation ». — Ce n’est même pas de l’adulation, ce ne sont que des formules.