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En fait aucun groupe réel, pas même une société centralisée, n’est un ensemble homogène. Pour une grande part de l’activité humaine — la langue, l’art, la science, la religion, la vie économique, — le groupe reste flottant. Qu’est-ce que le groupe des gens parlant grec, le groupe chrétien, le groupe de la science moderne ? — Et même les groupes précisés par une organisation officielle, les États et les Églises, ne sont que des unités superficielles formées d’éléments hétérogènes. La nation anglaise comprend des Gallois, des Écossais, des Irlandais ; l’Église catholique se compose de fidèles épars dans le monde entier et différents en tout, sauf la religion. Il n’y a pas de groupe dont les membres aient les mêmes habitudes sur tous les points. Le même homme est à la fois membre de plusieurs groupes et dans chaque groupe se trouve avec des compagnons différents. Un Canadien français est membre de l’État britannique, de l’Église catholique, du groupe de langue française. Les groupes chevauchent ainsi l’un sur l’autre de façon qu’il est impossible de diviser l’humanité en sociétés nettement distinctes et juxtaposées.

On trouve dans les documents historiques des noms de groupes employés par les contemporains, beaucoup ne reposent que sur des ressemblances superficielles. Avant d’adopter ces notions vulgaires, il faut se faire une règle de les critiquer, il faut préciser la nature et l’étendue du groupe, en se demandant : de quels hommes était-il composé ? quel lien les unissait ? quelles habitudes avaient-ils en commun ? et par quelles espèces d’activité différaient-ils ? Alors seulement on verra pour quelles habitudes le groupe peut servir de cadre d’études, et on sera conduit à choisir l’espèce de groupe suivant l’espèce de faits. Pour étudier les habitudes