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que par l’étude de ces accidents ; l’histoire est ici sur le même pied que la géologie ou la paléontologie.

Ainsi l’histoire scientifique peut reprendre, pour les utiliser dans l’étude de l’évolution, les accidents que l’histoire traditionnelle avait recueillis par des raisons littéraires, parce qu’ils frappaient l’imagination. On pourra donc chercher les faits qui ont agi sur l’évolution de chacune des habitudes de l’humanité ; chaque accident se classera à sa date dans l’évolution où il aura agi. Il suffira ensuite de réunir les accidents de tout genre et de les classer par ordre chronologique et par ordre de pays pour avoir le tableau d’ensemble de l’évolution historique.

Alors, par-dessus les histoires spéciales où les faits sont rangés par catégories purement abstraites (art, religion, vie privée, institutions politiques), on aura construit une histoire concrète commune, l’histoire générale, qui reliera les différentes histoires spéciales en montrant l’évolution d’ensemble qui a dominé toutes les évolutions spéciales. Chacune des espèces de faits qu’on étudie à part (religion, art, droit, constitution) ne forme pas un monde fermé où les faits évolueraient par une sorte de force interne, comme les spécialistes sont enclins à l’imaginer. L’évolution d’un usage ou d’une institution (langue, religion, Église, État) n’est qu’une métaphore, un usage est une abstraction ; une abstraction n’évolue pas ; il n’y a que des êtres qui évoluent au sens propre[1]. Lorsqu’apparaît un chan-

  1. Lamprecht, dans un long article, Was ist Kulturgeschichte, publié dans la Deutsche Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, nouvelle série, t. I, 1896, a tenté de fonder l’histoire de la civilisation sur la théorie d’une âme collective de la société qui produirait des phénomènes « socialpsychiques » communs à toute la société et différents dans chaque période. C’est une hypothèse métaphysique.