Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/245

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manuscrit est à la merci du moindre accident, il dépend du hasard qu’il se conserve ou se perde.

2o Il faut que le fait ait été de nature à être forcément observé et noté. De ce qu’un fait n’a pas été noté il ne suit pas qu’on ne l’ait pas vu. Dès qu’on organise un service pour recueillir une espèce de faits, on constate combien ce fait est plus fréquent qu’on ne croyait et combien de cas passaient inaperçus ou sans laisser de trace écrite. C’est ce qui est arrivé pour les tremblements de terre, les cas de rage, les baleines échouées sur les côtes. — En outre, beaucoup de faits, même bien connus des contemporains, ne sont pas notés, parce que l’autorité officielle empêche de les divulguer ; c’est ce qui arrive pour les actes des gouvernements secrets et les plaintes des classes inférieures. Ce silence, qui ne prouve rien, fait une vive impression sur les historiens irréfléchis, il est l’origine du sophisme si répandu du « bon vieux temps ». Aucun document ne relate les abus des fonctionnaires ou les plaintes des paysans : c’est que tout allait régulièrement et que personne ne souffrait. — Avant d’arguer du silence il faudrait se demander : Ce fait ne pouvait-il éviter d’être noté dans un des documents que nous possédons ? Ce n’est pas l’absence de tout document sur un fait qui est probante, mais le silence sur ce fait dans un document où il devrait être mentionné.

Le raisonnement négatif se trouve ainsi limité à des cas nettement définis. 1o L’auteur du document où le fait n’est pas mentionné voulait systématiquement noter tous les faits de cette espèce et devait les connaître tous. (Tacite cherchait à énumérer tous les peuples de la Germanie ; la Notitia dignitatum indiquait toutes les provinces de l’Empire ; l’absence sur ces listes d’un peuple ou d’une province prouve qu’ils n’exis-