Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/267

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quelques traits pour un ensemble de faits. Notre connaissance provient-elle d’observation directe, de tradition écrite, ou de tradition orale ? Possédons-nous plusieurs traditions diversement colorées ou une seule ? Possédons-nous des documents d’espèce diverse ou d’une seule espèce ? Les renseignements sont-ils vagues ou précis, détaillés ou sommaires, littéraires ou positifs, officiels ou confidentiels ?

La tendance naturelle est de négliger dans la construction les résultats de la critique, d’oublier ce qu’il y a d’incomplet ou de douteux dans notre connaissance. Un désir puissant d’accroître le plus possible la masse de nos renseignements et de nos conclusions nous pousse à nous délivrer de toutes les restrictions négatives. Le risque est donc grand de nous former avec des renseignements fragmentaires et suspects une impression d’ensemble comme si nous possédions un tableau complet. — On oublie facilement l’existence des faits que les documents ne décrivent pas (les faits économiques, les esclaves dans l’antiquité) ; on s’exagère la place tenue par les faits connus (l’art grec, les inscriptions romaines, les couvents du moyen âge). Instinctivement, on apprécie l’importance des faits à la quantité des documents qui en parlent. — On oublie la nature particulière des documents, et, lorsqu’ils sont tous de même provenance, on oublie qu’ils ont fait subir aux faits la même déformation et que leur communauté d’origine rend le contrôle impossible ; on conserve docilement la couleur de la tradition (romaine, orthodoxe, aristocratique).

Pour échapper à ces tendances naturelles il suffit de s’imposer la règle de passer en revue l’ensemble des faits et l’ensemble de la tradition avant tout essai de conclusion générale.