Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/272

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le développement de la société, c’est-à-dire qu’il finit par tourner à l’avantage de la société ; ce qui conduit à chercher pour cause à toute institution le besoin social auquel elle a dû répondre à l’origine[1]. C’est l’idée fondamentale de l’Hegelianisme, sinon chez Hegel, du moins chez ses disciples historiens (Ranke, Mommsen, Droysen, en France Cousin, Taine et Michelet). C’est sous un déguisement laïque la vieille théorie théologique des causes finales qui suppose une Providence occupée à diriger l’humanité au mieux de ses intérêts. Et c’est un a priori consolant, mais non scientifique ; car l’observation des faits historiques ne montre pas que les choses se soient toujours passées de la façon la plus avantageuse aux hommes ou la plus rationnelle, ni que les institutions aient eu d’autre cause que les intérêts de ceux qui les établissaient ; elle donnerait plutôt l’impression inverse.

De la même source métaphysique sort aussi la théorie hegelienne des idées qui se réalisent successivement dans l’histoire par l’intermédiaire des peuples successifs. Popularisée en France par Cousin et Michelet, cette théorie a fini son temps, même en Allemagne ; mais elle s’est prolongée, surtout en Allemagne, sous la forme de la mission historique (Beruf) attribuée à des peuples ou à des personnages. Il suffira ici de constater que les métaphores même d’« idée » et de « mission » impliquent une cause transcendante anthropomorphique.

De la même conception optimiste d’une direction rationnelle du monde découle la théorie du progrès continu et nécessaire de l’humanité. Bien qu’adoptée

  1. C’est ainsi que Taine, dans Les origines de la France contemporaine, explique la formation des privilèges de l’ancien régime par les services qu’auraient jadis rendus les privilégiés.