Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/273

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par les positivistes, elle n’est qu’une hypothèse métaphysique. Au sens vulgaire, le « progrès » n’est qu’une expression subjective pour désigner les changements qui vont dans le sens de nos préférences. Mais — même en prenant le mot au sens objectif que Spencer lui a donné (un accroissement de variété et de coordination des phénomènes sociaux) — l’étude des faits historiques ne montre pas un progrès universel et continu de l’humanité, elle montre des progrès partiels et intermittents, et elle ne fournit aucune raison de les attribuer à une cause permanente inhérente à l’ensemble de l’humanité plutôt qu’à une série d’accidents locaux[1].

Des tentatives d’explication de forme plus scientifique sont nées dans les histoires spéciales (des langues, des religions, du droit). En étudiant séparément la succession des faits d’une seule espèce, les spécialistes ont été amenés à constater le retour régulier des mêmes successions de faits, ils l’ont exprimée en formules qu’on a appelées quelquefois des lois (par exemple la loi de l’accent tonique) ; ce ne sont jamais que des lois empiriques, elles indiquent seulement les successions de faits sans les expliquer, puisqu’elles n’en découvrent pas la cause déterminante. Mais, par une métaphore naturelle, les spécialistes, frappés de la régularité de ces successions, ont regardé l’évolution des usages (d’un mot, d’un rite, d’un dogme, d’une règle de droit) comme un développement organique analogue à la croissance d’une plante ; on a parlé de la « vie des mots », de la « mort des dogmes », de la « croissance des mythes ». Puis, oubliant que toutes ces choses sont de pures abstractions, on a admis —

  1. On trouvera une bonne critique de la théorie du progrès dans l’ouvrage cité de P. Lacombe.