Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/302

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duite de la vie (Historia magistra vitæ), des leçons immédiatement profitables aux individus et aux peuples : les conditions où se produisent les actes humains sont rarement assez semblables d’un moment à l’autre pour que les « leçons de l’histoire » puissent être appliquées directement. C’est une erreur de dire, par réaction, que « le caractère propre de l’histoire est qu’elle ne sert à rien »[1]. Elle a une utilité indirecte.

L’histoire fait comprendre le présent, en tant qu’elle explique les origines de l’état de choses actuel. À cet égard, reconnaissons qu’elle n’offre pas, d’un bout à l’autre de sa durée, un intérêt égal : il y a des générations lointaines dont les traces ne sont plus visibles dans le monde tel qu’il est ; pour rendre compte de la constitution politique de l’Angleterre contemporaine, par exemple, l’étude des witangemot anglo-saxons est sans valeur, celle des événements du xviiie et du xixe siècle est capitale. L’évolution des sociétés civilisées s’est accélérée à tel point depuis cent ans, que, pour l’intelligence de leur forme actuelle, l’histoire de ces cent ans importe plus que celle des dix siècles antérieurs. Comme explication du présent, l’histoire se réduirait presque à l’étude de la période contemporaine.

    bert, o. c., p. 157) et Silvestre Bonnard (A. France, Le crime de Silvestre Bonnard, p. 310), et qui fait dire à Faust :

    …Die Zeiten der Vergangenheit
    Sind uns ein Buch mit sieben Siegeln.
    Was ihr den Geist der Zeiten heisst,
    Das ist im Grund der Herren eigner Geist
    In dem die Zeiten sich bespiegeln…

  1. Parole attribuée à « un professeur de la Sorbonne » par M. de la Blanchère, Revue critique, 1895, I, p. 176. — D’autres ont déclamé sur ce thème que la connaissance de l’histoire est nuisible et paralyse. Voir F. Nietzsche, Unzeitgemässe Betrachtungen, II. Vom Nutzen und Nachtheil der Historie für das Leben, Leipzig, 1874, in-8.