Or, les plus belles des collections privées de documents — à la fois bibliothèques et musées — furent naturellement en Europe, à partir de la Renaissance, celles des rois. Dès l’ancien régime, les collections royales ont été presque toutes ouvertes, ou entre-bâillées, au public. Et tandis que les autres collections particulières étaient souvent liquidées après la mort de leurs auteurs, elles, au contraire, n’ont pas cessé de s’accroître : elles se sont enrichies précisément des débris de toutes les autres. Le Cabinet des manuscrits de France, par exemple, formé par les rois de France et ouvert par eux au public, avait, à la fin du xviiie siècle, absorbé la meilleure partie des collections qui avaient été l’œuvre personnelle des amateurs et des érudits des deux siècles antérieurs[1]. De même, dans les autres pays. La concentration d’un grand nombre de documents historiques dans de vastes établissements publics, ou à peu près publics, fut le résultat excellent de cette évolution spontanée.
Plus favorable et plus efficace encore pour améliorer les conditions matérielles des recherches historiques fut l’arbitraire révolutionnaire. En France la Révolution de 1789, des mouvements analogues dans d’autres
- ↑ Voir L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris, 1868-1881, 3 vol. in-4. — Les histoires d’anciens dépôts de documents qui ont été publiées récemment en assez grand nombre l’ont été sur le modèle de cet admirable ouvrage.
qui les avaient acquis par hasard, et qui n’y auraient attaché, avec raison, aucune importance, si elles les avaient rencontrés dans des collections publiques. Ce n’est là, du reste, que la manifestation la plus grossière d’une tendance générale contre laquelle il faut toujours être en garde : on s’exagère aisément l’importance des documents que l’on possède, des documents que l’on a découverts, des textes que l’on a publiés, des personnages et des questions que l’on a étudiés.