Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/30

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De bonne heure intervinrent, il est vrai, des collectionneurs qui, à prix d’argent, voire par des moyens moins recommandables, tels que le vol, se formèrent, avec des intentions plus ou moins scientifiques, des « cabinets », des collections de documents originaux et de copies. Mais ces collectionneurs européens, nombreux depuis le xve siècle, diffèrent assez notablement de H. H. Bancroft. En effet, notre Californien n’a recueilli que des documents relatifs à un sujet particulier (l’histoire de certains États du Pacifique), et il a eu l’ambition de les recueillir tous ; la plupart des collectionneurs européens ont acquis des pièces, des épaves, des fragments de toute espèce et un nombre de documents très petit par rapport à la masse colossale des documents historiques qui existaient de leur temps. De plus, ce n’est pas, en général, avec le dessein de les rendre publici juris que les Peiresc, les Gaignières, les Clairambault, les Colbert, et tant d’autres, ont retiré de la circulation des documents qui risquaient de s’y perdre : ils se contentaient (et c’était déjà louable) de les communiquer, plus ou moins libéralement, à leurs amis. Mais l’humeur des collectionneurs (et de leurs héritiers) est changeante, souvent bizarre. Certes, il vaut mieux que les documents se trouvent dans des collections particulières qu’exposés à tous les hasards ou soustraits absolument à la curiosité scientifique ; mais, pour que l’Heuristique soit véritablement facilitée, la première condition est que toutes les collections de documents soient publiques[1]

  1. Signalons en passant une aberration puérile, mais très naturelle et très fréquente chez les collectionneurs : ils sont portés à s’exagérer la valeur intrinsèque des documents qu’ils possèdent, par cela seul qu’ils les possèdent. Des documents ont été publiés avec un grand luxe de commentaires par des personnes