suite de la suppression d’un trop grand nombre d’intermédiaires, ou d’anciennes combinaisons arbitraires qui ont mélangé les textes de plusieurs traditions distinctes, l’opération devient extrêmement laborieuse, ou même impraticable. D’ailleurs, dans ces cas extrêmes, la méthode ne change point : la comparaison des passages correspondants est un instrument puissant, mais c’est le seul dont dispose ici la critique.
Quand l’arbre généalogique des exemplaires est dressé, on compare, pour restituer le texte de l’archétype, les traditions indépendantes. S’accordent-elles à donner un texte satisfaisant, pas de difficulté. Diffèrent-elles, on décide. S’accordent-elles par hasard à donner un texte défectueux, on recourt, comme si l’on n’avait qu’une copie, à l’emendatio conjecturale.
C’est une condition beaucoup plus favorable, en principe, d’avoir plusieurs copies indépendantes d’un original perdu que d’en avoir une seule, car la simple comparaison mécanique des leçons indépendantes suffit souvent à dissiper des obscurités que la lumière incertaine de la critique conjecturale n’aurait pu percer. Toutefois, l’abondance des exemplaires est un embarras plutôt qu’un secours lorsque l’on n’a pas pris soin de les classer ou lorsqu’on les a mal classés : rien n’est moins sûr que les reconstitutions de fantaisie, composites, fabriquées avec des copies dont les relations mutuelles et la relation avec l’archétype n’ont pas été préalablement fixées. D’autre part, l’application des méthodes rationnelles entraîne, en certains cas, une dépense formidable de temps et de travail : songez qu’il y a telle œuvre dont on possède plusieurs centaines d’exemplaires non identiques ; que les variantes indépendantes de tel texte médiocrement étendu (comme les Évangiles) se comptent par milliers ; que