Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/34

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Chose assez curieuse, et qui serait invraisemblable si l’histoire n’était pas le tableau des contradictions humaines, les partisans du retour à l’ancien régime avaient tendance à se ranger derrière le prétendant à l’usurpation ; et les défenseurs des droits de l’orphelin légitime se recrutaient plutôt dans la classe de ceux qui ne concevaient leur restauration qu’avec la garantie de réformes et d’institutions nouvelles.

Cet imbroglio était le résultat de la politique machiavélique poursuivie par le comte de Provence, politique qui aboutit à lui procurer la satisfaction de ses ambitions, la jouissance du trône, mais qui devait retarder de vingt ans la restauration de la monarchie. Cet astucieux personnage qui, dans les premières années du règne de Louis XVI, s’était posé en défenseur des formes, des traditions, des privilèges que son frère ne voulait pas considérer comme absolument intangibles ; qui, plus tard, dans l’assemblée des notables et lors de l’enregistrement des édits, avait affecté des allures libérales et novatrices ; qui, plus tard encore, s’était fait le flatteur, le fauteur et l’auxiliaire des démagogues[1], avait jugé bon, une fois émigré, de

    vrai, à une époque un peu postérieure. Mais les confidences de Cambacérès et les renseignements provenant de sources diverses sur les intrigues de Robespierre, du duc d’Orléans et autres ambitieux de haut vol, qui « voulaient tous l’épouser », prouvent que les combinaisons fondées sur la personne de Madame Royale étaient mises en jeu même avant le 9 thermidor.

  1. On sait combien fut louche et équivoque sa conduite lors des journées d’Octobre, et l’on connaît son mot à Mounier : « Que voulez-vous ? On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ! » — Au moment de l’arrestation de Favras, compromis et lâchement abandonné par lui, il protestait à l’Hôtel de Ville, qu’il ne voulait pas être confondu avec les « ennemis de la Révolution ».