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LES CARACTÈRES ET LES PASSIONS.

suivant que l’on connaît, et les je ne sais quoi, les secrètes sympathies, ne font qu’avertir l’esprit, dénoncer la présence du bien que la raison saura ensuite définir et proposer à la volonté.

Nous voyons donc le principe de la distinction des caractères s’appliquer aussi à la distinction des passions, et toute la psychologie cornélienne se ramasser autour de l’idée de la connaissance. Par la connaissance se relient les extrêmes, qu’on oppose souvent comme incompatibles et incommunicables : la passion nous conduit à ce qu’on sent être le bien par une révélation intuitive ; la volonté nous mène à ce qu’on sait être le bien par un examen réfléchi. Ainsi par la vérité de la connaissance, ou même lorsque la raison cède à l’erreur du sentiment, la passion et la volonté se confondent, et comme se fondent dans un acte unique.

De là viendra le caractère de raideur qui semblera la marque des héros de Corneille. Ils ne sauraient avoir cette flexibilité séduisante, ces langueurs et ces troubles où l’on reconnaît les créatures mues par le sentiment. Dès que la passion est née en eux, ils la raisonnent, et en critiquent l’objet : s’ils ne l’estiment pas leur vrai bien, ils abolissent et ils compriment en eux la passion ; s’ils y aperçoivent leur vrai bien, ils transforment la passion ; ils l’exercent comme un devoir, comme un acte de raison, avec toute l’application d’une volonté constante et méthodique. Ou contredite, et supprimée, ou avouée, et durcie, voilà le sort que Corneille fait à la sensibilité.

Si tout dépend de la connaissance, il suffira de