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l’action et l’intrigue.

songes, qui tendaient au même effet, resteront comme un ornement traditionnel, qui souvent sera un hors-d’œuvre ; les accessoires attendrissants ou terrifiants, chaînes, grilles, prisons, seront éliminés. Le monologue prendra un autre caractère : de couplet lyrique, expression des troubles violents de l’âme, il va devenir instrument d’analyse, mesure de la force intérieure ; il va devenir, de plainte ou hymne qu’il était, examen de conscience, balance de motifs, délibération. Les narrations, tableaux imaginaires des faits pathétiques qu’on ne peut mettre sur la scène, vont être réduites et utilisées selon l’objet de la tragédie nouvelle. Elles seront destinées à produire des états de conscience chez les acteurs qui les écoutent, de façon à devenir causes des résolutions, donc principes d’action : on remarquera que les grandes narrations de Corneille se font au cours de la pièce, quand il y a de l’action encore à produire, et non au dénouement, pour exposer simplement l’action faite.

Les personnages souffrants, qui ne prennent dans l’action qu’une part de sympathie ou de condoléance, seront éliminés. À vrai dire, il en est resté quelques-uns dans les premières pièces de Corneille, l’infante du Cid, Sabine d’Horace : mais ils sont dans la tragédie cornélienne comme des rudiments d’organes, atrophiés et inutiles, témoins survivants d’un âge antérieur de l’espèce. Ils ne reprennent vie que quand la psychologie, à défaut de l’intrigue, les utilise : l’infante, pas du tout ; Sabine, un peu, au début de l’action, comme interprète touchante des affections de famille. Mais Corneille se débarrassera vite de ces