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CORNEILLE.

êtres passifs : dès Cinna, il ne reçoit plus dans ses pièces que des agents efficaces, de bons travailleurs, capables de s’employer à trouver le dénouement sans perdre une minute en effusions ou en rêveries, en museries lyriques.

Il ne me paraît pas qu’il y ait entre Corneille et Racine l’opposition qu’on établit en examinant le rapport des caractères à l’action. Le principe est le même chez les deux poètes, et c’est précisément Corneille qui a eu le mérite de créer le patron de la tragédie psychologique, où l’action consiste dans le développement des caractères. Il a le premier nettement et décidément posé en règle que le ressort de l’action devait être non extérieur, mais intérieur : c’est-à-dire qu’excluant le hasard, les coïncidences ou la fatalité, il a transporté aux caractères la puissance de produire les révolutions qui aboutissent au dénouement. Il assemble dans son premier acte toutes les données, il définit tous les intérêts, il présente tous les personnages, pour que de la combinaison et de l’antagonisme des volontés naissent les situations tragiques, qui s’enchaîneront et s’attireront de scène en scène jusqu’à la fin.

Il est aisé de voir que, dans le Cid, la double situation initiale étant posée, c’est-à-dire le Cid et Chimène étant amants, don Diègue et don Gormas étant rivaux, le caractère de don Germas amène l’insulte, celui de don Diègue et celui de don Rodrigue nécessitent la vengeance, et celui de Chimène détermine la demande de justice. Dans le caractère de Rodrigue est la raison de l’inutilité des efforts de Chimène, et dans le caractère même de Chimène la raison de