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Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/132

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CORNEILLE.

son rôle. Mais Corneille ne raisonne pas ainsi : Livie est humainement comme historiquement nécessaire. Il faut nous prévenir qu’Auguste ne donne pas un pardon politique : cela est nécessaire pour que nous ayons une juste idée de son caractère. Il faut donc qu’il ait examiné, et rejeté le parti de la clémence politique : d’où la nécessité de son entretien avec Livie. Cela révèle une tragédie organisée non pour l’intrigue, mais pour les âmes.

Si l’unité de l’action, malgré les règles sévères du temps, manque parfois aux pièces de Corneille, alors cette unité est rétablie par les caractères. L’intérêt se déplace du premier au second acte de Cinna, et passe des conspirateurs à Auguste : c’est par une exigence de l’étude morale ; il faut montrer d’abord le tyran qui doit se transformer en généreux empereur. Horace semble constitué par trois actions successives, un combat, un meurtre, un jugement : les caractères du jeune Horace et de Camille resserreront cette matière disjointe, et fourniront une liaison morale. Horace vainqueur, il faut que Camille entre en action ; cette victoire l’y force, et elle force son frère au meurtre, dont il ne saurait ni être puni ni se repentir. Voilà toute la tragédie unifiée par ces deux âmes.

Cependant on prétend que Corneille aime l’action, l’action pour elle-même, abstraction faite des caractères qui s’y expliquent. On dit qu’il tend au mélodrame, qu’il a créé le mélodrame.

On en donnera pour exemple le premier acte de Don Sanche, si romantique, les tragédies de Rodogune et d’Héraclius, si intriguées, et qui visiblement