Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
CORNEILLE.

illimité de ceux qui peuvent tracasser autour de la même affaire et tâcher de tirer leur profit du même événement. Toute pièce historique et politique tend à se peupler de personnages plus nombreux, et par conséquent d’une intrigue plus accidentée.

Puis, Racine, qui peint l’homme faible, peut faire toute sa pièce des hésitations d’une âme tiraillée en tous sens, et qui est jetée ou se jette à la fin dans une action unique. Corneille ne le peut pas. Une volonté qui attendrait pendant cinq actes à se déterminer, ou qui changerait de direction d’acte en acte, ne saurait être une volonté forte. Il faut donc choisir entre deux partis. Ou bien le progrès de l’action fournira la volonté de motifs qui compléteront progressivement la connaissance : l’âme ne sera parfaitement éclairée qu’à la fin de la pièce, et alors seulement trouvera l’action qui lui convient. C’est le cas d’Auguste, dans Cinna, d’Attale dans Nicomède. Ou bien la raison aura déjà toute la lumière qu’elle peut avoir, et dans ce cas la volonté pourra être un moment en suspens, mais un moment seulement. Il ne faut de combat intérieur que ce qui suffit à prouver la force de l’obstacle. C’est le cas de Rodrigue ou de Polyeucte. Souvent il n’y aura pas de combat du tout : Chimène, Nicomède n’hésitent pas. De toute façon, la volonté étant vite ou instantanément déterminée, l’acte suit. Mais cet acte posera une situation nouvelle par la réaction qu’il excitera chez les autres personnages, d’où occasion et nécessité d’un nouvel acte par où la volonté s’affirmera de nouveau, et ainsi de suite jusqu’au dénouement. Horace du premier coup s’est porté au devoir de