Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
l’action et l’intrigue.

Corneille met le plaisir non dans le rire ni dans les larmes, mais dans la vérité de l’imitation. Il passe entre le tragique et le comique, prenant ce qu’il y a de moins violent dans l’un et dans l’autre, des demi-sentiments, des goûts modérés, des bassesses à peine plaisantes, des traits familiers plutôt que ridicules, des sujets où il y ait plus d’intrigue et de travail que de souffrance et d’oppression, où la précision des intérêts l’emporte sur le pathétique des événements. Il tend ainsi à une pièce d’analyse, également distante de la tragédie, de la comédie, et du drame ou mélodrame, tout organisée pour être l’image claire de la vie, telle que la voit le poète, et intéressante surtout par cette clarté. Nicomède, Tite et Bérénice, Agésilas, Pulchérie, qui finissent bien, Sertorius même, Othon et Suréna, malgré leurs dénouements funestes, définissent le genre, qui est au reste celui où tend presque fatalement le théâtre psychologique.

Mais Corneille, qui a reçu de la tradition une certaine idée du sujet tragique, ne s’en éloigne pas totalement. Il garde l’atrocité, le meurtre, le sang versé, et met tout cela comme en bordure de sa psychologie. Il retient l’immolation du héros comme un rite archaïque, comme une formalité absurde et respectable.

Il avait bien su s’en affranchir dans ses premières pièces. Quand la volonté du héros luttait, travaillait activement, elle emportait tout : ainsi le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte même (car Polyeucte ne subit pas, il recherche le martyre, qui est son bien) finissent heureusement. En rendant la volonté si parfaite,